C
et essai offre un panoramique sur toutes les adaptations de Tintin pour petit et grand écran en recensant l'intégralité des tentatives avortées ou abouties. Des films fixes pour patronage d'avant-guerre jusqu'à la future trilogie Spielberg/Jackson en motion-capture, les conditions de réalisation sont détaillées et commentées avec pertinence. Les passages traitant de la bande dessinée ne sont pas exempts d'approximations, révélant que l'auteur est davantage cinéphile que bédéphile*.
Philippe Lombard a eu accès aux archives de la Cinémathèque pour les scénarios et découpages des deux films avec J.P.Talbot (Mystère de la Toison d'or et Oranges bleues), et a recueilli ou rappelé les précieux témoignages de Greg, Rémo Forlani et bien d'autres, tels Bruno Podalydes ou Philippe de Broca. À propos de ce dernier, il est souligné que Spielberg dit s'être inspiré de L'Homme de Rio pour son Indiana Jones sans savoir que Tintin était la source du film de De Broca ! Savoureux ! Le livre offre un voyage dans les coulisses du Studio Belvision, de son ascension à sa mise en sommeil, et narre par le menu l'aventure victorieuse du Studio Ellipse, sans en cacher les faiblesses.
La cinéphilie de Hergé est évoquée, avec son engouement pour Hitchcock, un rapprochement argumenté. La présentation quasi-chronologique permet à l'auteur de s'appuyer sur la progression de la saga dessinée et les exigences constantes de Hergé concernant la qualité des adaptations proposées, débouchant souvent sur le "malentendu grandiose entre l'Europe et Hollywod" dont parlait Greg. La liste des réalisateurs ayant pratiqué l'exercice sans aboutir est impressionnante, du Commandant Cousteau à Alain Berberian, de Roman Polanski à Patrice Leconte et Jean-Pierre Jeunet, sans oublier Alain Resnais et son étonnant projet d'affubler les acteurs de masques à l'image des héros ! Cette difficulté de représentation des personnages à l'écran revient comme un leitmotiv, s'ajoutant aux contretemps de toute nature. Ces aléas permettent à l'auteur d'intituler plaisamment son copieux chapitre Spielberg:"Tintin (enfin) en Amérique" .
L'ouvrage achoppe néanmoins sur deux écueils : l'absence totale d'illustration (heureusement compensée par la mémoire du tintinophile, mais quid des autres ?) et le point d'orgue manquant qu'aurait constitué la prise en compte du film de Spielberg, qui sortira juste après le bouquin. Mais sur la genèse de cet opus tout est longuement exposé, de l'abandon de l'hypothèse Di Caprio au profit du motion-capture jusqu'aux analyses de Spielberg convoquant le cinéma noir et le théâtre brechtien pour qualifier son travail...
Un livre plaisant à parcourir, récapitulant la plupart des informations sur le sujet à l'heure où une page se tourne avec l'arrivée du film de Spielberg.
* Le conseiller scientifique pour Objectif Lune est Alexandre Ananoff, davantage que Bernard Heuvelmans (p.15).
Le professeur Sprtschk de Franquin dans Le voyageur du Mézozoïque n'est pas inspiré par Jacques Bergier(p.69).
Il est dommage que l'auteur omette les cases de Tintin en Amérique pour la scène du banquet hollywoodien avec Mary Pikefort, et le détective de l'hôtel qui n'est autre que W.C.Fields.
Pour en finir avec ces critiques mineures, ajoutons que Philippe Lombard aurait pu faire son profit d'une lecture des articles sur le sujet dans la revue des Amis de Hergé (n°33 et 48, entre autres), et de la biographie de référence "Lignes de vie " où Philippe Goddin apporte de riches éclairages sur le thème.
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