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pothicaire ambulant, Kuzuryû traite le mal à travers tout le pays, que ce soit à l’aide de remèdes d’herboriste ou de son sabre lorsqu’un client l’engage à prix d’or. Mais derrière ces deux occupations, l’homme n’a qu’un seul but : retrouver ceux qui ont assassiné tous les membres de son village et découvrir la raison de ce crime odieux. Son seul indice est un ornement représentant un dragon à neuf têtes qui porte le même nom que lui. Au cours de sa quête et au fil des rencontres, Kuzuryû va découvrir une vérité peu plaisante liée à la piste d’un trésor aussi légendaire qu’extrêmement convoité…
Après Hokusaï et Le voyage de Ryû, Kana publie un autre récit de Shôtarô Ishinomori, figure importante du manga dans les années soixante et soixante-dix. Derrière le format massif - un pavé de six-cent-soixante-dix pages - qui pourrait en effrayer certains, Kuzuryû s’avère un drame historique bien mené et captivant.
Si la vengeance et la quête identitaire du héros au cœur du propos se révèlent relativement classiques, elles sont amenées avec habileté et finesse, les premiers chapitres mettant en effet lentement sur la piste tout en présentant le personnage principal. Avare de paroles, solitaire, bourru même, celui-ci ne s’en montre cependant pas moins fascinant et complexe au fil des planches, finissant même par être attachant lorsqu’il laisse, péniblement, ses sentiments profonds s’exprimer. Si ses compagnons de route constituent d’honnêtes faire-valoir, la jolie Hebihime tend à l’humaniser, tandis que les adversaires – le joueur de luth en tête – et les clients peu scrupuleux le poussent dans ses retranchements et assurent son statut de justicier sans concession. Construite en chapitres formant autant de rencontres, de confrontations et de combats, l’histoire s’avère bien rythmée et ne verse à aucun moment dans la facilité ni dans l’excès, au point que certaines révélations, pourtant propres à troubler, semblent ne guère toucher l'intéressé.
Cette absence d’empathie se retrouve dans le rendu graphique de Kuzuryû, très peu expressif, mais en parfaite adéquation avec une certaine image du vengeur taciturne obnubilé par son but. À l’inverse, les autres protagonistes offrent un grand panel d’émotions et de visages bien typés correspondant parfaitement à leur caractère. De belle facture quoique portant incontestablement la marque de son époque, le dessin de Shotarô Ishinomori se révèle précis, en particulier pour les paysages, et doté d’un découpage soigné qui permet d’offrir de belles scènes d’affrontement au sabre.
Loin d'être indigeste, Kuzuryû constitue une formidable fresque tenant en haleine de bout en bout. À lire !
Super bouquin, l'époque d'Edo est vraiment fascinante et c'est dans ce genre de manga écrit pendant l'ère du gekiga qu'on l'a ressent le mieux, je trouve. Les supers dessins d'Ishinomori retracent la quête de vengeance de Kuzuryu, apothicaire ambulant, pour former un récit sombre et vraiment captivant.