B
aïkonour, fin de la première moitié du XXIe siècle, Yerzhan, jeune Kazakh indépendant et désabusé, navigue entre une mère soumise, un beau-père aux ordres des Russes et un ami sous influence islamiste. Lorsqu’un prisonnier s’évade du quartier de haute sécurité du pénitencier voisin et se retrouve dans sa camionnette, sa vie bascule. Les forces anti-terroristes s’en mêlent et les résistants kazakhs répliquent. Prendre les armes et la poudre d’escampette se révèlent les seules issues possibles. Sans réel but dans la vie, le sort a décidé du destin du jeune homme : il est devenu fugitif.
Les fugitifs, ou comment réunir un trio insolite en trois leçons. D’abord définir les caractères bien disparates avec un jeune « rebelle » un peu paumé, un idéaliste aux connaissances très utiles et une mystérieuse jeune femme aux compétences physiques hors normes. Ajouter un peu d’injustice et une opposition entre un Goliath, le bras armé du rouleau "oppresseur" russe, et un David, le peuple kazakh exploité, et vous obtenez le début d’un road-movie survitaminé. Il faut bien évidemment passer par la dernière touche qui consiste à créer les conditions d’une rencontre improbable mais relativement classique pour ce genre de récit et qui n’est pas le point le plus important, puisque l’essentiel est ailleurs : dans l’action qui va découler de l’ensemble. Le lieu est la seule véritable originalité de Yerzhan. Propre à n’évoquer qu’un épisode de la conquête spatiale pour le commun des mortels occidentaux, Baïkonour fait partie d’une des « républiques » encore sous le joug de "l’occupant" russe. Situer le début de l’aventure dans ce trou perdu permet de fixer l’attention sur l’imbroglio politique d’une fédération qui tente par tous les moyens de garder une certaine intégrité géographique et d’actualiser le propos. Mais la politique et la géostratégie ne sont pas les thèmes principaux et il est fort à parier que le lieu viendra apporter des éléments complémentaires à ce fameux sigle « J104 » tatoué sur l’omoplate de la jeune prisonnière. Toutes les étrangetés sont possibles et le futur permet de nombreuses extrapolations, fantastiques ou non.
Si l’aventure semble classique, elle n’en n’est pas moins haletante et propice au plaisir d’une lecture paisible. Pour les amoureux d’un graphisme moderne, dynamique et précis, EFA (Les Icariades, Kia Ora, Alter Ego, etc.) soigne l’esthétique et Régis Hautière enrichit encore son univers déjà très éclectique (Au-delà des nuages, La croisière jaune, Accords sensibles, etc.) et il prouve de nouveau sa capacité à se projeter dans quasiment tout type de récit.
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