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tats-Unis, 1996. Suite à un banal cambriolage dans une bijouterie, le FBI appréhende un Hopi qui tentait de mettre en gage une gemme. Si Billy Tuve clame son innocence, affirmant avoir reçu la pierre précieuse d’un vieil indien en échange d’un canif, les forces de l’ordre semblent plutôt faire le lien avec une ancienne affaire traitée par Joe Leaphorn. L’ancien membre de la police tribale navajo est d’ailleurs appelé en renfort afin de faire toute la lumière sur ce dossier qui fait resurgir l’histoire d’une mallette pleine de diamants, perdue au fond du Grand Canyon. C’est le début d’une chasse au trésor où les intérêts ne convergent pas forcément…
Après l’adaptation de Là où dansent les morts par Bernard Katou aux éditions Emmanuel Proust, c’est au tour de Will Argunas (Arnaud Guillois de son vrai nom) de s’attaquer à une œuvre de Tony Hillerman. Ce dernier est réputé pour un cycle de romans policiers ethnologiques centrés sur les Navajos, situés dans la région des « Four Corners » et mettant en scène un enquêteur local capable de trouver les réponses dans les tréfonds de la croyance indienne. Cette collection née de l’association des éditions Rivages et Casterman, entièrement dédiée à l’adaptation de polars noirs par des auteurs de bandes dessinées, semble donc être une terre d’accueil idéale pour L’Homme Squelette, l’un des derniers volumes de la série, où Joe Leaphorn est d’ailleurs déjà retraité, mais toujours bien présent. C’est d’ailleurs lui qui ouvre le récit en tant que narrateur.
La première partie de cet album sert principalement à donner corps aux nombreux protagonistes et à situer les enjeux de chacun, tandis que la deuxième moitié se concentre principalement sur la recherche des diamants le long du fleuve Colorado. Si l’auteur de l’excellent Missing (publié sous le label KSTR de Casterman) ne rate pas la mise en place, la suite a beaucoup plus de mal à convaincre, avec une course poursuite qui manque sérieusement d’entrain et un final peu captivant.
Les personnages sont bien ficelés, avec certains qui cherchent à prouver l’innocence d’un jeune homme et d’autres qui sont motivés par une quête identitaire ou tout simplement l’appât du gain. En voulant servir son intrigue sous forme de puzzle, l’auteur a malheureusement inutilement complexifié son récit. L’idée de minimiser les textes afin de mieux faire ressortir l’atmosphère liée à cette culture navajo tellement chère à Tony Hillerman est également très bonne, mais ne devrait cependant pas empêcher l’auteur d’assurer un minimum des transitions souvent beaucoup trop abruptes.
Le graphisme réaliste de Will Argunas parvient à mettre les magnifiques paysages du Nouveau-Mexique en valeur, même si l’ambiance imposante du Grand Canyon demeure très difficile à mettre en images. Son trait légèrement moins hachuré que d’habitude est également très bien adapté aux visages amérindiens, plus burinés, et le découpage s’adapte parfaitement au changement de rythme entre les deux chapitres de ce one-shot.
Une ambiance qui saura séduire les amateurs du genre, mais une construction trop confuse qui manque cruellement de suspense sur la fin.
C'est une histoire un peu nébuleuse qui a pour cadre le grand canyon aux States. Cela m'a rappelé de très bons souvenirs passés en ce lieu unique. Pour en revenir à la bd, le scénario est un peu complexe à la manière d'un puzzle qu'il faut reconstituer. Il s'agit de remonter une piste pour une histoire de diamants et également d'héritage sur fond de crash aérien.
Bref, je retrouve toujours les mêmes ingrédients mais pour un traitement un peu différent. Le graphisme restitue à merveille l'ambiance imposante du grand canyon. Dommage que cela soit si alambiqué et que cela manque de suspense.
Cette bd part déjà avec un petit handicap car elle n'adapte pas le meilleur Hillerman. Les amateurs de polars aux intrigues bien retors ne pourront qu'être déçus. Mais un Hillerman reste un Hillerman, avec des personnages bien ficelés, un sens aigu de la narration et un amour pour cette région de l'Amérique et ses habitants (les navajos).
Mr Argunas respecte pleinement ce "cahier des charges" alternant intelligemment les séquences avec les différents protagonistes, gardant le rythme lent du roman et recréant bien l'atmosphère liée à la culture indienne (en tout cas en tenant compte du fait que c'est un one-shot et en évitant d'imposer de longs dialogues explicatifs). Les dessins des paysages sauvages de ce territoire sont parfaitement réussis. Par contre j'avoue avoir eu un peu plus de mal à accepter ce style hachuré pour les personnages même si l'auteur a éclairci son trait. Toutefois une fois plongé dans le récit, je me suis senti beaucoup plus à l'aise et j'ai finalement réussi à apprécier ce graphisme, preuve pour moi, qu'il s'intègre bien dans la narration.
Au final, j'ai passé un excellent moment de lecture et j'espère que ce livre trouvera son public, l'intrigue "légère" et le graphisme un peu particulier (en tout cas pour moi) pouvant peut être faire peur à certains. Ce serait dommage car il s'agit d'une très belle adaptation.