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aris, 1941. Quand ils ne sont pas à l’école ou au salon de coiffure de leur père, Joseph et Maurice passent leur temps à jouer aux billes dans la rue. S’ils savent que la ville est aux mains des Allemands, ils ne s’en inquiètent pas trop, jusqu’au jour où leur mère coud une étoile jaune sur leur veste. La seule vue de cet insigne leur vaut les gnons et insultes de leurs camarades. Le soir-même, Joseph et Maurice écoutent leurs parents leur expliquer qu’ils vont devoir fuir vers le Sud afin de passer la ligne de démarcation et de retrouver leurs frères aînés à Menton. Pourvus d’une musette bien garnie et d’un peu d’argent, les garçons commencent un périlleux voyage à travers la France, d’abord en train, puis à pied…
À l’instar du Journal d’Anne Franck, Un sac de billes constitue un des incontournables des cours de français au début du secondaire. Publié en 1971, le roman de Joseph Joffo a rapidement connu un grand succès en raison de son caractère autobiographique et de son accessibilité narrative. Adapté au cinéma par Jacques Doillon en 1975, il a également connu une version en bande dessinée signée Alain Bouton et Marc Malès en 1989. Sous le label Futuropolis, Kris (Destins, Le monde de Lucie, Notre mère la guerre), secondé de Vincent Bailly au dessin (Coupures irlandaises, Angus Powderhill), s’empare de l’œuvre pour en livrer sa transposition à travers deux tomes.
Fidèle au récit d’origine, ce premier volet narre les circonstances du départ du petit Joseph et de son frère, ainsi que leur long périple jusqu’à Menton. Climat antisémite, arrestations arbitraires, collaboration de la police française avec les Allemands, abus des passeurs, mais aussi coopération et aide rendue par quelques courageux aux malheureux traqués : tout cela transparaît avec force au travers du regard particulier que porte le jeune héros sur les évènements. La mise en place, justement dosée, donne d’emblée le ton : celui d’une certaine insouciance enfantine confrontée aux horreurs de la guerre et de l’Occupation. Du haut de ses dix ans, Joseph ressent en effet les choses, goûte l’air ambiant, en saisit les relents dangereux autant que l’importance, tout en conservant une certaine innocence et une ingénuité propres à son âge tendre. Faite tantôt de silences éloquents – lorsque le péril est tout proche - puis de dialogues assez verbeux, la narration, fluide, rend bien ce double aspect tout au long d’une histoire riche en rencontres et en péripéties.
Portant ce récit, le dessin de Vincent Bailly fait tout de suite mouche grâce à son trait un rien brouillon, quoique très expressif, ses cadrages cinématographiques et sa mise en couleurs à l'aquarelle qui confère un caractère un peu passé à l’ensemble. Le graphisme parvient à centrer l’attention sur le panel d’émotions traversant les visages dans les scènes muettes dont il souligne bien la tension, sans pour autant céder le pas lorsque la parole reprend le dessus. Il s’embellit également de décors réussis ainsi que de menus détails, tout en recréant de façon convaincante l’ambiance des années 1940 par l’intermédiaire des inévitables uniformes noirs ou vert-de-gris et des affiches d’époque. Enfin, Vincent Bailly n’hésite pas à changer très légèrement de style quand le père Joffo raconte l’histoire de son grand-père victime des pogromes à Odessa.
De très bonne facture, ce début de diptyque constitue une occasion idéale de (re)découvrir un best-seller devenu un classique de la littérature jeunesse. Rendez-vous est pris pour la suite.
Adaptation réussie du célèbre récit autobiographique de Joseph Joffo. Nous suivons les pérégrinations de la famille Joffo et notamment des deux voyous, Maurice et Joseph pendant la seconde guerre mondiale. Le style des dessins est particulier mais s'oublie rapidement devant la force de l'histoire.
Ce sac de billes est une oeuvre de notre patrimoine (comme le journal d'Anne Franck) et je trouve que le scénario est de bonne facture emmené par des dessins, un rien brouillon, qui donne une retranscription fidéle de cet événement de notre époque.
En attendant la suite,...