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n 1850, alors que la France retrouve la République avec Louis-Napoléon Bonaparte, élu deux années plus tôt, le climat contestataire semble s’être apaisé. En ces temps de crise économique, le président décide d’organiser une grande loterie nationale afin de financer l’exil des Français les moins fortunés vers l’Ouest américain où l’on vient de trouver de l’or. Mais les étudiants et les dissidents du pays y voient surtout le moyen de se débarrasser de gêneurs, penseurs, révolutionnaires ou criminels. Parmi ceux qui assistent au discours du président Bonaparte, se trouvent deux amis : Edmond, fervent républicain et amoureux des femmes, et Stanislas de Rochebourg, héritier d’un titre de noblesse et néanmoins défenseur du régime actuel. Ils rencontrent Thibault Marsan, un photographe du journal l’Illustration. Tous les trois sympathisent, rapprochés par leurs idées, se trouvent bientôt mêlés à un complot. Chaque personne à laquelle ils parlent ou tentent de parler est exécutée peu de temps après, tel que Rolland, le parton de Thibault qui en sait visiblement trop. Selon lui, Bonaparte préparerait un coup d’Etat.
La qualité du scénario est la première chose qui frappe à la lecture de cet album. Le lecteur est plongé dans un récit à la croisée de l'Histoire, du roman d'aventures et de l'enquête policière, où les faits réels se confondent aux inventions de Régis Hautière. La personnalité des différents protagonistes est bien travaillée, ceux-ci se complétant habilement. L’intrigue entraîne le lecteur de rebondissement en rebondissement, sans le perdre en chemin, mais sans non plus le laisser deviner trop aisément les événements à venir. Cela permet de ne pas s’ennuyer et même de réviser son Histoire de France. Cependant, le récit se termine étrangement, non du point de vue scénaristique, mais plutôt de la construction narrative. Alors que les événements s’imbriquaient jusque là de manière vivante grâce aux dialogues, la narration prend subitement la forme d'une voix off en dernière page, pour la première fois dans tout l’album. Ce monologue à la première personne laisse supposer que son auteur est le héros de l’histoire, tandis que l’intérêt de ce début de série résidait dans son côté « chorale » avec plusieurs protagonistes principaux. Ce détail final ne s’explique pas vraiment et gâche quelque peu un récit par ailleurs bien ficelé.
Du coté du dessin, c’est une ligne claire retravaillée, modernisée peut être et souple. Par une mise en couleurs élégantes, Alain Grant obtient également un bon rendu des matières. La fluidité du scénario se retrouve dans les mouvements, dans les cadrages, malgré une mise en page classique. C’est justement cette mesure entre le classicisme et la modernité qui fait l’intérêt graphique de l’album. Cependant, cet intérêt est en-deçà de celui provoqué par le récit.
Pour tout l’or du monde est un premier tome soigné, doté d’une intrigue de qualité et entraînante. Le lecteur est plongé au cœur de l’Histoire de France et, à travers la petite histoire, révise les conflits et la société de la seconde moitié du XIXe siècle.
Une bonne surprise que cette histoire de complot politique dans la France napoléonienne. Les personnages sont attachants à défaut d'être authentiques.
Les dessins sont bons à défaut d'exceller.
Mais le scénario tient la route....
Vivement le tome deux.
7/10.