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n homme se réveille dans un lit qui n’est pas le sien, entouré de personnes qu’il ne connaît pas mais s’inquiètent de sa santé. Amnésique suite à un coup reçu lors d’une altercation, il ne se souvient de rien, à part quelques images de son passé qui lui reviennent en rêve. Seule certitude, il est écrivain. Il prolonge donc son séjour à l’auberge de son sauveur, un rude gaillard qui lui est venu en aide lors de ses récentes mésaventures et devient peu à peu son ami. Il découvrira, par le biais de son métier de pigiste pour un journal local, le quotidien d’une région qui, à quelques encablures du Loch Ness, vit au rythme des contes et légendes.
Stéphane Heurteau réalise avec Hyde un récit hybride, se situant quelque part entre réalité et fiction. Les éléments constitutifs de l’histoire sont nombreux et font appel à un imaginaire collectif riche en figures inoubliables de la littérature, avec à la clé une revisite originale de la vie de personnages célèbres. Une fois le livre refermé, la cohérence de l’ensemble ne pourra en aucun cas être remise en cause : toutes les questions trouvent réponse et le destin des différents acteurs est scellé. Au-delà de cette réussite et de ce ton qui sort des sentiers battus, quelques éléments ternissent toutefois l’impression positive que pourra laisser l’album. Ainsi, les dialogues et autres textes récitatifs, par leur côté parfois artificiel, n’aident pas à maintenir l’attention du lecteur, créant comme une distance entre les protagonistes et leur public. De même, l’accumulation de révélations en fin d’ouvrage nuit à la fluidité de l’ensemble. Au niveau du dessin, également, le travail appliqué de Heurteau, qui a pris le parti de représenter en images un paysage écossais très typique, fait davantage penser à celui de Griffo sur La pension du Docteur Eon qu’à celui de Sorel sur Algernon Woodcock, c’est-à-dire qu’au-delà d’une indéniable qualité formelle, la véritable inspiration fait défaut.
Alors que l’auteur affichait d’emblée une volonté de se démarquer de la norme en forgeant et en détournant des personnages hauts en couleur, c’est finalement un manque d’aboutissement qui pourra lui être reproché. Ce n'est pas le fond qui pose problème, mais bien une forme qui aurait pu relever de choix plus audacieux et d’un sens plus poussé du détail.
Très bonne histoire astucieuse, à rebondissement et à tiroirs, avec des accointances avec des auteurs célèbres puisque ce serait la genèse d'un très célèbre roman.(mais chut, ne déflorons pas le suspens)
Et comme les dessins rendent très bien l'atmosphère brumeuses des Highlands, qu'ils sont à la fois stylisés et réalistes, chauds et prenants, avec des bouilles intéressantes croqués d'après réalité (si vous fréquentez le café du même nom au Bouffay à Nantes, vous en reconnaitrez surement quelques uns), cet album original est à lire.