L
a guerre des tranchées fait rage et les Sentinelles doivent encore faire leurs preuves pour convaincre les dirigeants français qu’ils sont bien l’arme indispensable pour remporter la victoire. La concurrence est rude et beaucoup moins chevaleresque. Que faire face à l’avancée technologique de la chimie ? C’est à Ypres, en avril 1915, que Taillefer, Djibouti et Clermont ont rendez-vous avec l’horreur. Qui a tiré le premier ? Qui ira le plus loin dans l’ignominie ? Les caractères se révèlent, l’honneur l’emportera-t-il ?
La guerre moderne fait son apparition avec le conflit de 14-18 qui sera, comme les suivants, un laboratoire pour les armes de destruction massive. La course à l’efficacité est ouverte et c’est l’utilisation du gaz qui est dénoncée dans ce troisième tome. Au travers des doutes et de la prise de conscience de Taillefer, c’est la question fondamentale de l’application de la loi du Talion. Doit-on, sous prétexte que l’adversaire utilise une arme interdite, répliquer avec les mêmes méthodes ? La fin doit-elle justifier les moyens ? Décision facile pour un état-major, loin du front, mais pour ceux qui sont les plus concernés… Deux idéologies s’opposent : l’une qui sert l’honneur et l’autre l’efficience, avec pour chacune d’elle ses défenseurs. D’un côté Taillefer, qui se refuse à tomber plus bas que l’adversaire, de l’autre Djibouti, que seule la victoire motive. Il est aisé de se poser la question avec un siècle de recul, voire d’y répondre. Mais qu’en était-il dans la boue des tranchées ? Quelle était l’opinion de ceux qui en subissaient le traumatisme quotidien ? Xavier Dorison ne se contente pas d’une morale confortable, il va jusqu’au bout de la réflexion, sans compromis et sans ménager ses héros. À l’époque, seule la réponse qui permettait d’espérer une fin rapide de la boucherie était la bonne.
La part "mécanique" prend le pas sur ce qui reste d’humanité aux Sentinelles. L’image de robot est le reflet parfait de ce qui restait d’âme aux combattants d’alors. Les auteurs ne tombent jamais dans la démagogie ou la simple accusation. Au contraire, la part d’uchronie permet de s’extraire de tout sentimentalisme exacerbé, le récit romance l’horreur et le fantastique détourne la vérité historique qui devient ainsi "acceptable". À l’inverse, le graphisme d'Enrique Breccia, avec son côté désuet, s’approche de l’imagerie d’Epinal, en plus dynamique, associé à des teintes de couleurs passées propres à rappeler celles des premiers illustrés colorisés. L’esprit du reportage s’allie à celui de l’aventure pour construire une série faite d’action et de réflexion, où l’illusion et l’honneur ont disparu au profit d’un réalisme légèrement masqué.
Région d’Ypres (Belgique). 18 avril 1915.
Les ordres se suivent et se ressemblent : absurdes ! Toujours les mêmes conneries journalières de l’état-major : préparation d’artillerie, assaut, soldats hachés menus, pluie, pas de possibilité d’évacuer les blessés, faim… Le lieutenant Taillefer a beau manifester son opposition à ces ordres absurdes, rien ne change. Ah, si ! Le nombre de morts et d’estropiés ne cesse d’augmenter au même rythme que le moral s’effondre…
Pendant ce temps, le baron Hubert Marie de Clermont démontre qu’il n’est pas manchot dans le maniement de l’épée, remportant un tournoi. La rencontre entre lui et monsieur son père est glaciale. Mais que reproche-t-il donc à son père ?
Critique :
Troisième album des Sentinelles. Nouvelle découverte : les attaques par les gaz, cette arme qui causa plus de 200.000 morts sans à aucun moment s’être montrée décisive. Juste un macabre jouet de plus dans l’arsenal pourtant déjà très riche des moyens dont dispose l’homme pour exterminer son semblable.
Dans ce numéro, le capitaine de Clairmont devient Sentinelle à part entière, et quelle Sentinelle ! Pégase ! Point de cheval ailé, mais bien un humain doté d’une fusée et d’ailes pour manœuvrer. Les Boches connaissaient déjà l’adjudant Djibouti et le lieutenant Taillefer. Les voilà confrontés à un nouvel adversaire aux pouvoirs dignes des super-héros américains qui revêtent leur slip au-dessus de leur collant. Au moins, les Français savent s’habiller !
Vous pensez bien que les Allemands ne vont pas rester les bras croisés alors qu’ils sont à la pointe des sciences et des technologies. Eux aussi vont produire leur monstre, un « Übermensch » bien décidé à venger ses deux fils morts sur la Marne.
Mais surtout, ils vont se livrer pour la première fois à une attaque aux gaz. Une arme qui fait horreur jusque dans leurs propres rangs. Voilà qui ne va pas arrêter ceux qui décident qui ne sont pas les mêmes que ceux qui subissent…
Vraiment très chouette cette Bédé. Sur ce tome, on y découvre une nouvelle sentinelle (pégase), un personnage qui aura la particularité d’être arrogant. Lui et ses deux collègues (Taillefer et Djibouti) auront la mauvaise surprise de découvrir une nouvelle arme de destruction massive. En plus de cela, ils seront confrontés à un nouvel ennemi tout aussi puissant qu’eux : L’übermensh. Cette bédé reste toujours réaliste grâce à ses photos d’époque et parfois grâce à ses dialogues. Les dessins sont très chouettes, sans oublier la petite pointe de science-fiction que j’apprécie particulièrement.
Ypres 1915, l’utilisation du chlore lors des combats va bouleverser le fragile équilibre des forces en présence et faire basculer cette Première Guerre mondiale dans une horreur sans nom…
Impression toujours mitigée pour cette série dans laquelle Xavier Dorison a pris le parti de dénoncer les atrocités de la guerre… en inventant des (super)héros rédempteurs, mi homme, mi machine. Louable intention mais qui ne fonctionne pas pour l’instant, dans la mesure où les Sentinelles exhalent (même inconsciemment) les valeurs guerrières qu’elles sont censées combattre ! Ni uchronie, ni récit historique, cette série se cherche encore.
Reste le dessin d’Enrique Breccia qui gagne en maîtrise et en puissance au fil des albums.
Au final, un 3ème opus globalement décevant !