Kaël, un jeune homme comme tant d’autres, prépare le concerto en mi mineur opus 64 de Mendelssohn dans lequel il est soliste. Sa vie semble banale... Pourtant, un matin, il découvre un livre dans sa boite aux lettres, Le Livre de Taïlm, étrange ouvrage écrit dans une langue incompréhensible qu’il arrive à lire, et dont il comprend le sens des mots. Des pages entières traitant de sa vie, de sa naissance jusqu’à aujourd’hui. Quantités de détails intimes connus de lui seul qui s’effacent de sa mémoire, comme les écrits des pages, au gré de la lecture… Apparaît alors Taïlm, un homme qui ressemble trait pour trait à Kaël, la couleur des cheveux exceptée, et qui vient prendre possession de son être. Car il est "fonctionnaire du malheur"…
Lorsqu’on débute la lecture de ce premier album de Raphaël Drommelschlager, on s’aventure dans l’inconnu. Le texte de 4e de couverture est énigmatique, il nous attire comme un aimant, nous promet beaucoup de choses tant le thème semble peu exploité en bande dessinée, si peu que l’éditeur n’a pas su le classer dans une collection…
Les pages défilent. On découvre un personnage fragile, subissant les effets du livre qu’il ne peut s’empêcher de lire, puis Taïlm, être aussi énigmatique que fascinant. Un journaliste et un commissaire, qui enquêtent sur une série de crimes, complètent la galerie de personnages. Une fois les présentations faites, tout s’accélère. Le récit sombre alors dans un surnaturel gênant. Comme Kaël, on subit les différents éléments sans les comprendre, sans trouver de véritables réponses à nos questions. Toute l’histoire est empreinte de mystère et de non-dits, comme si l’auteur nous laissait l’interpréter à notre manière et en tirer nos propres enseignements.
Mais nous sommes-nous assez identifié à Kaël pour saisir toutes les subtilités de son malheur ? Acceptons-nous de passer outre les éléments fantastiques pour ne voir que le quotidien d’un homme en proie au malheur ? Taïlm ne serait-il pas que la manifestation de l’imaginaire de Kaël, sa vision du malheur ? Tant de questions qui n’attendent que la réponse de chacun, notre vision de ce premier voyage…
Par bien des aspects, cet album fait penser à Candélabres. Une série tout aussi énigmatique, une histoire à part aux personnages mystérieux, qui a su combler nombre de lecteurs. Au-delà du genre choisi et d'un ton voisin, Algésiras et Raphaël Drommelschlager proposent un style de dessin qui présente des caractéristiques communes. Un style épuré qui met en avant les personnages et leurs sentiments. Point de décors inutiles surchargeant les planches, la grande force du récit ne tient pas là ! Tout passe par le regard et les expressions du visage. Le trait est fin et élégant, le découpage souvent judicieux. Les couleurs à dominante orangée instaurent une ambiance particulière. Elles contribuent au mystère et varient en fonction des sentiments du protagoniste, tantôt mélancolique, tantôt abattu…
Que reprocher alors à cet album ? L’idée de départ est originale, le dessin joue sur les sentiments et les couleurs sur l’ambiance. Dommage que le manque de clarté de l’histoire soit finalement le point faible de ce premier tome. Il n’en reste pas moins que cet ouvrage est à découvrir, même s'il vous faudra certainement plus d’une lecture pour l’apprécier à sa juste valeur.
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