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Le mystère de Marie Roget Le Mystère de Marie Roget, d'Edgar Allan Poe

13/01/2011 8528 visiteurs 3.0/10 (1 note)

E n juillet 1841 à New York, le corps de Mary Cecilia Rogers était retrouvé flottant dans les eaux de l’Hudson. La presse américaine s’empara de l’affaire, transformant l’assassinat présumé de la « belle cigarettière » en cause nationale. Le fiancé de la morte s’empoisonna quelques mois plus tard. L’affaire ne fut jamais résolue. L’année suivante, Edgar Allan Poe s’en empara pour écrire Le Mystère de Marie Roget, transposant les évènements à Paris où officiait son personnage de détective amateur, le chevalier Auguste Dupin, créé l’année précédente pour élucider un Double Assassinat dans la Rue Morgue. Prince de l’analyse logique, grand ancêtre de Sherlock Holmes et de bien d’autres enquêteurs hantant depuis les romans, les films, les séries télévisées, Dupin s’attache à déconstruire le tumulte médiatique autour de l’affaire pour mieux reconstituer un déroulement plausible des évènements, pouvant conduire à l’identification du tueur.

Consacrées à la découverte du corps sans vie de Marie Roget, les premières planches de l’adaptation en BD aujourd’hui proposée par Jean-David Morvan et Fabrice Druet sont des plus marquantes. Muettes mais graphiquement frappantes, elles laissent augurer le meilleur pour la suite. Il y a en revanche de quoi se montrer plus sceptique lorsqu’après cette scène, le lecteur voit le chevalier Dupin arrêter le célèbre Lacenaire, inventer le principe de la reconstitution criminelle devant le préfet (lui-même passablement circonspect), et assister aux derniers moments du bandit jusqu’à son exécution. Mais après tout, l’innovation et la réinvention font partie des possibilités, voire même des attendus, d’un vrai travail d’adaptation, d’appropriation du matériau original. Ne reste plus qu’à voir où ce travail mènera lorsque (à la onzième page, tout de même) commence le véritable corps du récit, avec le résumé de l’affaire, puis le pari de Dupin de la résoudre sans quitter son appartement. À partir de là, malheureusement, il n’est plus permis de douter : nul besoin de génie analytique hors-norme pour conclure au ratage de cette adaptation de la nouvelle de Poe.

Les images de la découverte du corps de Marie Roget, qui sont reconvoquées à plusieurs reprises dans les planches ultérieures, ne font que souligner le contraste entre l’ouverture prometteuse et le traitement beaucoup plus inégal du reste de l’album par Fabrice Druet, qui rencontre notamment de vraies difficultés à animer ses personnages. Avec un peu de bienveillance et pas mal de perspicacité (eût égard à l’absence d’indices à l’appui de cette théorie), il est permis d’imaginer que Lacenaire, truand assez minable qui fascina néanmoins les foules en se forgeant une aura de rebelle romantique, Lacenaire était peut-être convoqué par Jean-David Morvan (au prix d’un léger anachronisme, mais, à la limite, peu importe) pour introduire le thème du sensationnalisme médiatique, thème au cœur de la nouvelle de Poe et plus que jamais d’actualité, qu’il eut été bienvenu d’explorer. Hélas, les auteurs ne poussent pas plus loin que cela dans cette voie, et se contentent ensuite d’une mise à plat et d’une plate illustration de l’original (allant jusqu’à représenter Baudelaire pour mettre en images l’intervention personnelle de celui-ci dans le cadre de la traduction qu’il a réalisé).

Or, enfin, et surtout, le pari de Dupin de ne pas quitter son intérieur, s’il ne posait pas de problème de représentation dans le texte de Poe, constitue un véritable challenge pour une adaptation en bande dessinée. Atrocement bavard, jamais passionnant, trop souvent maladroit, le résultat proposé par Morvan et Druet ne se montre pas à la hauteur de la gageure. La palme de la plus mauvaise idée revient probablement à la figuration, devant les yeux du meurtrier inconnu dont Dupin imagine les actes, d’un rectangle noir, à la façon des représentations des photos de presse de criminels présumés d’il y a quelques années. Mais c’est l’ensemble du projet qui souffre, de façon générale, d’un parti pris de littéralité illustrative dont la pauvreté d’inspiration apparaît d’autant plus crûment à la lumière de l’ampleur du défi dans lequel se sont engagés les auteurs en s’attaquant à l’adaptation d’un tel texte.

Laissant un goût d’autant plus amer qu’il se présente comme une succession d’espoirs déçus (dans une mise en abyme sans doute bien involontaire de l’enquête elle-même), cette version du Mystère de Marie Roget s’avère une adaptation des plus dispensables.


À lire également : la chronique de l’adaptation de Double assassinat dans la rue Morgue par L. Gianati.

Par L. Boyer
Moyenne des chroniqueurs
3.0

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Le mystère de Marie Roget
Le Mystère de Marie Roget, d'Edgar Allan Poe

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