I
l était une fois, dans la vallée de Chambara, trois ambitieux vassaux accompagné par Masaki Satu, la fille de leur suzerain, chassaient le sanglier. Un malheureux accident leur permet de prendre le pouvoir. La belle vie les attend, mais est-ce que la petite princesse a vraiment péri noyée ?
Décidemment Hugues Micol aime changer de registre ! Après le XVIIe siècle d’Alexandre Dumas avec D’Artagnan, les années 50 façon Philippe de Broca dans Les Parques et le "far south" dans Terre de Feu, Le chien de la vallée de Chambara entraîne le lecteur, sous la forme d’une fable, à travers le Japon médiéval. Micol mêle habilement les tenants classiques du genre : usurpation, apprentissage et vengeance. Heureusement, le récit ne se cantonne pas à ces seuls passages obligés. En effet, l’auteur s’est appliqué, en parfaite relation avec les croyances taoïstes et bouddhiques en cours à l’époque, à doter ses personnages de psychologies très approfondies. Ainsi, les trois « méchants » ne se bornent pas à leur seul rôle d’usurpateurs et se révèlent des protagonistes bien plus complexes. De la même manière, la destinée toute tracée de Masaki Satu se révélera plus tortueuse que prévue.
Le scénario ne se limite pas à la mythologie nippone et regorge également de références aux traditions d’autres civilisations. L’ouverture du récit, narrée par des corbeaux, se rapporte aux fables animalières du Moyen-Age. Plusieurs épisodes, telle la traversée du pont suspendu durant laquelle il ne faut se retourner, renvoient aux mythes grecs. Ce procédé, qui aurait pu alourdir la narration, ne gêne absolument pas la lecture tant le scénariste a su les intégrer à la trame générale.
Graphiquement, le résultat est également de très haut niveau. Le traitement en couleurs directes est absolument magnifique. Les tons et les textures sont à la fois riches et recherchés. La construction est également très ambitieuse. Les cases se superposent, s’incrustent, et l’action se décompose à travers les planches. Les grandes illustrations, au style rappelant les estampes japonaises, renforcent le côté très abouti de l’album. Cette profusion d’approches narratives, parfaitement maîtrisée, aurait pu se révéler un peu trop foisonnante sur la longueur. Dans les faits, elle ne nuit absolument pas à la lisibilité.
Le chien de la vallée de Chambara, par sa richesse et son excellente réalisation, est des plus recommandables.
Le dessin de ce conte japonais est tout simplement magnifique avec toutes ces couleurs directes. Ces planches très picturales sont un vrai bonheur pour les yeux.
Il est dommage cependant que ce récit s'éternise dans des détails superflus et des dialogues à profusion. La fin révèlera bien des choses à commencer par la motivation d'une vengeance qui dépasse l'entendement.
L'histoire sera certes classique dans ce Japon médiéval mais son traitement est recherché avec un effet plutôt spectaculaire.