E
n proie à une terrible épidémie, un royaume voit ceux qui sont touchés se transformer en dangereuses marionnettes cannibales. Aux portes d’un château, les passagers d’un étrange corbillard sont ainsi attaqués par ces sinistres « guignols » et n’en réchappent que grâce à leurs talents musicaux. Invités à rester par le maître des lieux, Rutile et ses amis font la connaissance du jeune héritier, Eles, traumatisé par la métamorphose de sa mère et de sa sœur infectées un an plus tôt et brûlées pour limiter la contagion. Ils remarquent aussi que, malgré les fortifications bien défendues, de nombreux zombies parviennent à pénétrer dans l’enceinte pour commettre leurs ravages. Décidé à aider Eles, dont il a démasqué la véritable identité, et à percer le mystère de la cité, Rutile enquête et annonce la tenue d’un concert destiné à apaiser les âmes des contaminés. Mais c’est compter sans une population en butte contre son suzerain…
Ambiance gothique et contes cruels vont bien à Kaori Yuki. Elle en exploite allègrement le filon pour livrer des titres où fantastique, onirisme et pointe d’horreur se marient souvent très bien et offrent des lectures propres à faire (légèrement ou plus) frissonner, tout en admirant le trait délicat et très reconnaissable de l’auteure. The royal doll orchestra s’inscrit dans cette veine qui a déjà donné Comte Caïn, Fairy cube ou encore Ludwig révolution. La force de la mangaka consiste à apporter une touche supplémentaire plus ou moins originale. Après la reprise des contes de fées et leur réinterprétation dans Ludwig révolution, ce sont des marionnettes mortes-vivantes, appelées « guignols », qui s’immiscent dans les pages de sa nouvelle histoire pour déchirer les chairs d'un peuple atterré, fournir à un trio flamboyant – qui devient un quatuor en deuxième partie d’album – l’occasion d’exercer ses talents et mettre en scène une série d’adversaires plus ou moins névrosés.
Pour qui connaît les œuvres de Kaori Yuki, la trame narrative de ce premier volet du Royal doll orchestra ne se démarque guère de ce à quoi elle a habitué ses lecteurs. Allant de rencontres en rencontres, les héros, dont il apparaît qu’ils sont peu recommandables, affrontent à chaque étape un nouveau cas difficile qui met en avant un des aspects que la mangaka désire développer. Forcément, cela implique de suivre des situations pouvant apparaître, de prime abord, singulières, mais finalement sans grande surprise pour l’initié. Ainsi, il est plutôt aisé – voire trop aisé ! – de deviner le petit secret d’Eles ou celui de Néphéline, le seigneur ravagé et prétendu défenseur des femmes croisé par la suite. Heureusement, le fil rouge concernant les mystères qui entourent Rutile, ses compagnons ainsi que l’énigmatique « Oratorio noir » permet de titiller la curiosité, tandis que le trait fin de l’auteure ne manque pas de ravir.
Mise en bouche agréable bien que loin d'être exceptionnelle, ce tome d'ouverture laisse augurer d'une série qui sera à l'image des précédentes productions de Kaori Yuki : attirante, jouant sur la noirceur, mais pouvant lasser à terme, si la mince piste la plus digne d'intérêt tarde trop à être plus amplement exploitée.
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