Diamond Dogs, Mercy Seat, Slow Hands, Cosmic Dancer... Emma veut tous les essayer, tous les S.T.U.C.É., c'est-à-dire les « stupéfiants tolérés à usage contrôlé par l'État ». Par vice ? Non, simplement parce qu'elle a choisi l'étude de ces psychotropes comme sujet de thèse. Cette étudiante en journalisme, guidée par sa volonté d'anticonformisme, se voit donc contrainte de quitter ses beaux quartiers pour entrer en contact avec une banlieue qui n'a pas la réputation d'être très fréquentable. C'est pourtant là qu'elle se fait de vrais amis, de ceux qui vous épaulent en cas de coup dur. Et à force de se défoncer avec tout ce qui passe à sa portée, forcément, les coups durs finissent par arriver...
Deux constantes chez Antoine Ozanam : d'abord sa façon de surprendre en abordant des thèmes toujours plus variés, puis sa capacité à toujours dénicher le dessinateur qui s'accorde parfaitement avec son propos. Pills, nouveau one-shot paru chez KSTR, n'échappe pas à la règle. L'auteur choisit pour cadre un lieu indéterminé à une époque indéterminée, mais qui nous semblent familiers. Seule véritable différence ? Le tabac est interdit, tandis que certaines drogues sont tolérées. Et pas n'importe quelles drogues ! De celles qui vous donnent pour un temps des facultés physiques étranges, ou au contraire vous font perdre le sens des réalités. Ces pouvoirs, Ozanam a l'intelligence de les utiliser comme ressorts de son intrigue, d'une façon toujours judicieuse. Ces drogues, il a la bonne idée de leur donner des titres de morceaux de musique. Anecdotique, dans un sens, mais révélateur du souci du détail qui est le sien. Ajoutez-y des dialogues plutôt bien tournés, en mode djeun's, et vous obtenez une histoire atypique, difficile à décrire. Il y est question d'amour et d'amitié, d'injustice sociale, de responsabilité personnelle, le tout voguant joyeusement entre le délire assumé et le thriller haletant. Jolie performance.
Question performance, celle de Guillaume Singelin mérite d'être soulignée. Il était déjà très bon dans King David, il l'est peut-être encore plus ici : le trait est jeté, il se déforme et se distend à mesure que les hallucinations des personnages se font plus irrésistibles. Les couleurs, elles aussi, en mettent plein les yeux : elles sont flash, et en même temps poétiques, comme si elles accompagnaient les acteurs dans leurs trips. Le résultat ? Ca bouge dans tous les sens, ça dégomme, puis ça se calme, d'un coup, et le silence, le calme, font leur apparition. Les personnages s'installent, se rapprochent, et ça repart. Vers où ? Vers une fin qui clôt l'ensemble de bien belle manière, sans que l'histoire ne paraisse trop courte ni trop longue.
C'était déjà perceptible avec des albums tels que L'Amourir et We are the night, ça l'est d'autant plus avec Pills aujourd'hui : Antoine Ozanam est plus bluffant d'album en album, tout simplement parce qu'il ne fait rien comme les autres et que ça fait un bien fou.
Je n'aime pas les histoires de stupéfiants de manière générale. On part vite dans des délires psychanalytiques qui ont été maintes fois vus. Cela sera encore le cas en l'espèce avec en prime un dessin assez grossier et mal détaillé. Bref, le fond et la forme qui font défaut.
Pour le reste, on pourra souligner une bonne idée de départ mais assez mal exploitée au final. Le mode djeun's m'a horripilé au plus haut point. On passera son chemin et on ne touchera pas à la drogue même la plus douce qui soit. Après, chacun fait comme il veut dans le cadre de la loi.