A
u cinéma comme en bande dessinée, le western a toujours été un genre populaire. Traité de toutes les manières et dans tous les styles possibles, il passe allégrement du premier degré des petits formats au mysticisme de bazar à la Jodorowsky, sans oublier l’humanisme de Pratt, l'approche réaliste de Charlier ou au contraire le côté humoristique cher à Morris. Dans La frontière, Philippe Foerster apporte sa pierre à l'édifice en proposant, à sa manière, une histoire de cow-boy passablement décalée.
Geronima Liranza, la fille du célèbre Billy the Kid, est sur la piste de sa mère. Celle-ci aurait été aperçue dernièrement à Golden Spittown. À part le jeune âge de l’héroïne, cette introduction est des plus classiques. Déjà moins traditionnelle, « la frontière » derrière laquelle la ville est située. Il ne s'agit pas de celle du Rio Grande, mais plutôt d'une espèce de barrière invisible quasi infranchissable. Selon la rumeur, c’est également le genre d’endroit d'où on ne revient pas. Une fois cette limite géographique passée, le récit, toujours ancré dans l’Ouest américain, se transforme en une fable allégorique sur fond mythologique. Entre les multiples situations traditionnelles du genre (duels, rixes de saloon, etc.), l’auteur de Gueule de Bois (cf. tome 1, 2 et 3) se fait un malin plaisir d’ajouter une multitude d’éléments exotiques tels que les plaies d’Égypte, un peu de vaudou, et même le père Noël ! Cet étrange mélange donne un résultat à la fois détonnant et humoristique.
Malgré quelques dialogues un peu trop chargés par moments, Foerster réussit la prouesse de garder ce savant salmigondis narratif tout à fait cohérent. Les scènes, à la fois baroques et somme toute logiques, se succèdent page après page. Les personnages, haut en couleurs et à la limite de la folie, passent et trépassent. Le tout est enrobé dans un dessin au style qui ne déparerait pas dans une collection jeunesse, mais ne vous fiez pas trop aux apparences ! La jeune Geronima a la gâchette facile et elle n’hésite pas à faire parler la poudre quand il le faut ... ou plutôt quand elle décide qu’il le faut !
Étrange western, autant sur le fond que sur la forme, La frontière est tout à fait recommandable.
J'ai franchement bien aimé cette bd qui renouvelle le genre du western en reprenant certains mythes existants. Il y a réellement une inventivité comme par exemple l'explication de ce qui va donner naissance à la légende du Père Noël via la publicité. Quand on pense qu'il s'agissait d'un ténébreux personnage qui offrent des cadeaux plutôt empoisonnés ! Il faut découvrir de toute urgence cette lecture car vous passeriez sans doute à côté de quelque chose d'unique. Bref, cela réserve de sacrés surprises !
J'avais déjà bien aimé certaines oeuvres de cet auteur comme Chiens de prairie réalisé en 1996 ou encore L'Oeil du chasseur réalisé en 1988. Je retrouve un style d'écriture toujours aussi mordant. En l'espèce, ce western cottoie le fantastique et l'ésotérique comme la magie vaudou. Le ton des dialogues est résolument acide. Il faut dire que notre jeune héroïne qui se présente comme la fille de Billy le Kid ne fait pas dans la dentelle.
Au final, un auteur de talent pour une histoire tout à fait original où le plaisir de lecture sera maximal. C'est un véritable coup de coeur...