« Deux cent cinquante trois ans de réclusion… (…) Vos affaires. Trente pièces d’or et un moule à balles. » Sac jeté sur l’épaule, jean taille basse, gaulée comme une pin-up de mag’ masculin, Samaëlle ne fait pas ses deux siècles ½ et des poussières. La petite qui l’attend à la sortie du pénitencier, clope au bec, non plus. Pimpantes comme elle sont lorsque sonnent leurs retrouvailles après plusieurs siècles, si elles entretiennent véritablement un lien d’hérédité avec la vieille peau flétrie qui propose de les prendre à bord de sa Limo, il va falloir repousser les limite de l’imagination pour déterminer l’âge véritable de Mamie Maïe… Mère - fille - petite fille ? Sœurs ? Libérée, la redhead bimbo muette peut accomplir son œuvre, tandis que la plus jeune des trois joue les chipies : décimer les rangs de la triade des « lumières d’août ». Dans quel but ? Au duo de flics formé par Yanis Berdzeni et Juan Dominicain de le découvrir.
Dernière née de la collection Secrets du Vatican, La 6ème heure mise sur d’autres arguments que les vieux grimoires poussiéreux ou les traditionnelles cohortes de moines encapuchonnés comme on en voit trop souvent (du moins pour le moment). Hormis une séquence présentant un Jésus sur la croix des plus arrogants, le terrain de jeu est plutôt la jungle suburbaine contemporaine, comme pour tout buddy movie un peu vitaminé qui se respecte. Dans le genre, les vannes appuyées entre les protagonistes sont un ingrédient incontournable et, là, elles portent autant que les coups de surin et volent aussi bas que les bastos au cours des gunfights qui jalonnent l’album. Bien troussées, les passes d’armes verbales confèrent de l’épaisseur à des personnages qui paraissent familiers, sans pour autant donner dans le stéréotype lassant. Parallèlement, les exécutions collectives judicieusement présentées (arrivée des flics après les échanges de coups la première fois, puis ellipse pour ne montrer que le tableau de chasse final, enfin, scène intégrale en direct) ont le punch, les impacts et la dose d’hémoglobine nécessaires. Demander plus serait indécent.
Pour l’heure, le ping-pong des répliques fonctionne, mieux que dans la plupart des actioners similaires, en évitant de tomber dans un type de vulgarité habituelle, marque de fabrique de certains comics explorant des thèmes et affichant un style graphique d'une veine similaires, dont l'objectif principal est de choquer le pékin de base par ses excès… Là, sans lourdeur, les facéties agrémentent les relations de gentils et de méchants qui jouent au chat et à la souris sur l’air de « cours après moi que je t’attrape » tandis que des corps tombent autour d’eux. Le débit faiblit à peine en cours d'album et, au cas où, le tempo est garanti par l’argentin Juan Ferrara, loin d’être avare lorsqu’il s’agit de multiplier les plans variés.
Loin du Cycle l’Ostruce (Le Lombard), prometteur au point d’avoir excité la curiosité en abordant différents thèmes sur un fond historique avant de perdre le lecteur, d’enliser son intérêt à force de pistes multiples explorées au cours d'un long périple et d’user d’un langage pesant sur la durée, Nicolas Pona change radicalement de registre. Moins sombre que l’intéressant Dolls killer (Soleil), La 6ème heure joue une carte plus légère, bien plus digeste que le tissu d’incantations et d’ésotérisme dans lequel se complaisent la plupart de ses comparses. Pourvu que ça dure et que les Parques ne se transforment pas en « grandes Guignol » pour atteindre leur but : faire peur à Dieu. Chiche ? Ou on perdra le fil ?
Pas grand chose dans cette histoire, de l'ésotérisme, de la magie mais on ne voit pas trop où cela méne. Laissons un peu d'espoir avec la suite....