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emémorons-nous les faits. Une jeune femme amnésique retrouvée lors du démantèlement d'un atelier clandestin de textile dans le quartier miteux de Limehouse, et dont l'origine aristocratique ne souffre d'aucun doute. Ajoutez à cela sa troublante ressemblance avec Letitia, amie d'enfance de Miss Launceston, fraîchement mariée à Lord Douglas, un ambitieux homme d'affaire versé dans le transport aérien.
Autour de cette principale énigme gravitent d'autres faits non moins mystérieux: un journaliste accompagné de son photographe, retrouvés calcinés sur les rives du Loch d'Inverness, la disparition soudaine du tenancier du Flying Boat et de sa mère, laissant l'établissement aux mains d'un nouveau patron écossais et d'une clientèle peu recommandable. Tout cela serait-il en lien direct avec le récent climat insurrectionnel qui sévit dans les Highlands ?
Voici une situation épineuse que Graves, Molton et Miss Launceston ne manqueront certainement pas de résoudre.
Si la conclusion de La mémoire volée, précédent album, avait échoué, malgré la qualité de l'ensemble, à recréer la tension propre à la série, Remember ne parvient, semble-t-il, pas à rétablir ce charme perdu.
Plusieurs déceptions émaillent la lecture de l'album. Etouffé par la complexité de son intrigue et la multitude des protagonistes, le récit peine à développer l'atmosphère teintée de fantastique qui bercait subtilement le cycle du Mangeur d'âmes. Aussi, c'est sans grande conviction que l'on prendra connaissance des tenants et aboutissants de l'enquête. L'explication surnaturelle n'apporte plus cette patine qui estompait un peu de la complexité du récit au profit de cette douce torpeur qui vous envoûte lorsque vous pensez perdre définitivement pied dans l'intrigue.
On regrette également les liens discrets qui, jusqu'ici, se tissaient entre les personnages. Dans cet album, seule la résolution de l'enquête semblera devoir les animer. Oubliés donc les émois entre Graves et Miss Launceston... Certes, le temps presse mais l'on aurait tout de même aimé un peu plus de communication et de chaleur au sein du groupe. Cette impression est d'autant plus forte que la scène d'introduction, en dirigeable, annonçait une complicité retrouvée entre Graves et l'inspecteur Molton, à l'occasion du mal de l'air de ce dernier.
Graphiquement, ces premières planches comptent, avec quelques autres, parmi les plus réussies de l'album. Les vues de dirigeable imposent à Bonin d'élargir ses perspectives, d'aérer ses cases et d'accrocher au ciel et aux arbres des couleurs jusqu'alors inédites pour la série. Si elle reste très progressive depuis Les sables du temps, l'introduction de teintes plus vives et chaudes tient à chaque fois lieu de petit évènement, attirant l'oeil du lecteur sur tel ou tel détail. Un soin tout particuliers est également apporter au découpage des scènes d'action. Malgré quelques petites imprécisions, Bonin signe ici un bel album.
Complexe et captivante, Remember déçoit néanmoins par un traitement fantastique trop classique, et ce malgré de réelles qualités narratives et graphiques.
Ce troisième dyptique renoue avec le côté polar plus classique et c'est un vrai bonheur même si il garde tout de même une touche de fantastique. L'histoire est menée de main de maître dévoilant juste ce qu'il faut quand il le faut tant est si bien qu'à la fin on est totalement surpris par le dénouement de l'histoire.
Vivement le prochain qui semble-t-il promet d'être très intéressant.