L
'été, Léopold retrouve Garance sur la plage des vacances. L'année précédente, la petite fille avait confié un secret à son ami, qui ne l'avait pas cru : elle est capable de marcher sur l'eau. Cette fois, c'est l'origine de son pouvoir qu'elle lui dévoile. Il s'agit de son père, que l'on croit mort, mais qui est en réalité, assure-t-elle, un géant : seul sur une île, au milieu de la mer, il frappe du pied pour créer les vagues. D'ailleurs, Garance est justement décidée à aller lui rendre visite, en emmenant Léopold avec elle.
Aux commandes de cet album paru dans la collection "Jeunesse" de Delcourt, le trio formé par Séverine Gauthier, au scénario, Thomas Labourot, au dessin, et Christian Lerolle, aux couleurs, semble désormais bien rôdé. Ce qui ne les empêche pas de se renouveler d'un titre à l'autre - bien au contraire.
Pour Garance, Séverine Gauthier signe une histoire courte (trente planches) et économe en paroles. Est-ce pour ne pas entacher la magie attachée à l'innocence et aux jeux de l'enfance, plusieurs fois représentés dans l'album par de splendides planches muettes ? Est-ce pour laisser plus d'ouverture au récit, qui nous est donné à voir sous la forme, heureuse, d'un conte merveilleux, mais qui pourrait également donner lieu à une lecture désenchantée, bien plus sombrement réaliste (les éléments qui permettraient éventuellement de "trancher" étant évacués) ?
Toujours est-il que le procédé laisse le devant de la scène au travail du tandem Labourot / Lerolle. Ils signent peut-être là leurs plus belles pages à ce jour. Dynamique et délié, bien plus souple que sur Washita, le trait de Thomas Labourot est ici véritablement transfiguré par les pinceaux de Christian Lerolle, tout en teintes pastel. Qu'il s'agisse de l'ambiance lumineuse d'amusements enfantins sur une plage, de la représentation d'une inquiétante tempête, ou de l'ambiance onirique et naïve de l'île du géant, le résultat s'avère toujours absolument splendide.
Si Garance a tout pour émerveiller les jeunes lecteurs, les adultes qui, selon l'expression consacrée, auront "gardé leur âme d'enfant" pourront aussi y trouver leur compte (ou leur conte ?). Si la brièveté du récit, qui s'interdit le développement, peut paraître regrettable, la beauté et la justesse du traitement graphique devraient, en revanche, emporter l'adhésion de tous.
À lire également :
- la chronique de Mon arbre par L. Gianati
- la chronique de Washita, t.1, par A. Perroud
Des mêmes auteurs, j'avais déjà beaucoup apprécié Washita. Je remarque une nette amélioration du trait du dessinateur qui fait cette fois-ci dans la rondeur et une certaine douceur. C'était sans doute beaucoup trop géométrique et angulaire dans la série consacrée aux indiens.
Sur ce conte, il semble assez clair dans son approche. Le seul défaut réside dans le fait que cela se lit beaucoup trop vite. On aurait voulu sans doute bénéficier un peu plus de cette douceur de vivre. La mise en scène est quant à elle tout à fait maîtrisée. Que dire également de cette belle couverture ? C'est doux et paisible.
La thématique est celle de la disparation d'un être cher. C'est toujours difficile à admettre pour ceux qui restent et qui doivent malgré tout continuer à vivre. Le deuil peut se faire de différentes manières. En l’occurrence, j'ai bien aimé cette façon poétique de traiter ce sujet grave. On évite également de tomber dans le pathologique.
Bref, c'est traité non seulement avec grâce au niveau du dessin mais avec finesse au niveau du scénario.