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aris, 1870. La Capitale est prête à tomber dans les mains prussiennes. Les plans d’un réseau secret de tunnels destinés à accueillir la circulation, en sous-sol, de carrosses ferrés sont à portée de l’ennemi. Mais, en dépit des apparences souterraines, tout ceci n’est que la surface des choses. Les teutonnes sont en effet en train d’envahir la ville lumière en rachetant, en toute légalité, des logements, par quartiers entiers, pour mieux les raser. Dans quel but ? Par quels moyens les empêcher de réussir ? À Sophia de jouer, le compte à rebours a commencé…
Esprit, es-tu là ? Oh que oui ! Bel et bien là, du début jusqu’à la fin, de la prise en main de l’objet qui rappelle les pulp, jusqu’à la découverte de la 4ème de couverture directement inspirée des séries affublées de titres accrocheurs qui jouaient, numéros après numéros, la surenchère pour garder intacte la curiosité du fidèle lecteur. Avec, bien sûr, le risque pris par les auteurs et l’éditeur en 2010 de ne rien évoquer du tout à ceux qui n’ont pas connu certaines catégories de titres proposés de l’autre côté de l’Atlantique ou des Alpes. À ceux-là, réservons un « c’est bête pour vous » d’usage.
À ceux qui tiqueront devant un curseur poussé loin, notamment avec quelques accroches licencieuses ou graveleuses, prodiguons un pied de nez hilare en se remémorant certains passages. Sophia ne perd pas une occasion de dévoiler son buste et d’user au moins autant de ses charmes que de la force pour remplir sa mission et sauver la patrie. La Patrie ! on vous dit. Tous les moyens sont bons lorsqu’il s’agit de sûreté nationale. Les multiples conquêtes qu’elle a laissées sous tous les climats et tous les continents font voir du pays, comme au temps où le lecteur de feuilletons trouvait sa dose d’exotisme dans les récits se déroulant dans les territoires sur lesquels la Nation imprimait son emprise coloniale. Un pastiche bien dosé n’a jamais donné de maux de tête. À mesure que les frasques de son amie l’invitent à sombrer dans une jalousie pathologique, Rima la fidèle se façonne progressivement un profil de future ennemie de choix. Les origines d’un possible super-vilain, ça ne se refuse pas. Sans oublier que la touche de gore est revigorante, que les dialogues, alternativement pompeux ou outranciers, font passer les plus extrêmes tirades, tantôt proférées, tantôt susurrées, avec un aplomb qui fait regretter de ne pas les entendre de vives voix, surtout si les comédiennes jouent « faux » la plupart du temps. Mais tout n’est pourtant pas que parlotte, et les gags s’alimentent aussi à d’autres sources : carte d’un continent entier pour trouver son chemin vers un village isolé dans la brousse, canons de beauté pour le moins surprenants à considérer comme d’autres illustrations, semées ici et là d’un racisme ordinaire de la part des protagonistes dont on use plus volontiers comme un ressort comique depuis la résurrection d'OSS 117 au cinéma. Ou encore scène de saphisme à la petite semaine, dans une société où les hommes ne pointent pas le bout de leur nez, et pour lesquelles l’héroïne, à l’allure de Barbarella incendiaire, et son acolyte garçonne ne sont pas en reste. Et... etc.
Enfin, nous ignorerons ceux qui ne goutent pas au charme du trait puissant du duo Capucine / Libon, à un encrage et une colorisation de choc qui jouent sur une bichromie noir / orange qui emporte tout sur son passage, ainsi que de cette typo toute droit héritée des plus basiques notes de service sous-préfectorales des années 50-60, tant ils paraissent aussi judicieux qu’évident après quelques pages.
Y a bon Sophia, référence dans le style de « l’excès maîtrisé ».
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