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rédéric-Guillaume 1er, appelé aussi le « Roi-sergent », se mit en tête de moderniser l’armée prussienne, un des rares sujets qui semblât l’intéresser. Ce qu’il fit, comme le soulignent les auteurs en fin d’album, en incorporant aux troupes 40.000 mercenaires. Pour sa garde personnelle, il réforma le régiment des Grenadiers de Postdam, en intégrant, de gré ou de force, des géants pris aux quatre coins de l’Europe. Cathal Crann faisait partie de ceux-là.
À partir d’un fait historique étonnant et qui traduit autant la mégalomanie que la propension de certains chefs d’État à s’adonner à leurs petites obsessions, Laurent Rivelaygue propose un récit amusant qui fait suivre le destin d’un colosse imaginaire arraché d’Irlande pour satisfaire les caprices d’un grassouillet rustre et mal embouché. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, le baraqué rouquin dispose d’une nature lui valant la sympathie de qui le croise – hormis ceux qui le voient comme un concurrent aux faveurs de son Altesse – autant qu’elle attire une gent féminine bien peu farouche, habituée qu’elle peut être à la fréquentation des hommes de troupe. Pour traiter du sort de ces Grands soldats, le ton est à la comédie, avec de nombreux personnages qui évoluent, parfois avec force d’agitation, autour du placide et peu bavard gaillard. Gare, cependant, à ne pas réveiller l’animal, hérité d’un traumatisme passé, qui sommeille en lui ! Les pages défilent à bonne allure, le scénario brodant avec légèreté et une certaine malice pour illustrer cette curiosité de l’Histoire, jusqu’au moment où, bien que l’histoire de Cathal Crann ne soit pas encore refermée, l’inspiration paraisse un peu tarie. Sans remettre en question le sentiment positif qui accompagne la découverte de ce qui précédait, la conclusion laisse un peu dubitatif, tout comme ce qui est donné à voir du chien rouge qui le hante. Un peu comme si toutes les promesses n'étaient finalement pas tenues.
D’un point de vue graphique, en revanche, elles le sont pleinement. Après Negrinha et son ambiance habitée par la lumière du Brésil, Olivier Tallec anime une foule de petits (et grands) bonhommes vifs et expressifs évoluant dans une vieille Europe aux teintes variées et plus contrastées. Un authentique régal !
Le site d'Olivier Tallec : http://www.oliviertallec.fr/
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