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obert Narval, l'homme-grenouille risque-tout, est de retour pour de nouvelles aventures. Mais qu'il s'agisse d'organiser une intrigante "plongée en plein désert", d'explorer les égouts parisiens, de découvrir les mystères que cachent une île ne figurant sur aucune carte, une vieille amitié, ou les charmes d'une jolie Cubaine, les nouvelles tribulations du personnage manquent malheureusement - et c'est un comble, dans son métier - de profondeur.
De la première, qui permettra aux lecteurs du précédent volume d'en retrouver les protagonistes, à la dernière, qui fait se conclure l'album par un twist final particulièrement peu heureux, les cinq histoires courtes qui composent Terrain vague ont en commun de laisser avant tout un sentiment de frustration. Ce n'est pourtant pas faute, pour Olivier Supiot, le scénariste, d'aligner les situations propices à créer des ambiances intrigantes et prenantes. Cependant, le choix du format court le pousse à n'en jamais rien développer au-delà d'un stade rudimentaire, anéantissant tout mystère presque aussi vite qu'il a été généré, passant d'un rebondissement à l'autre à une vitesse qui peut même nuire à la lisibilité du récit, sacrifiant des situations qui auraient pu donner lieu à une intrigue beaucoup plus ample, mais se résolvent en un clin d'œil et une réplique dont le lecteur pourra se demander s'il doit, ou non, la prendre au second degré ("Imbéciles ! Comment ce crétin a pu nous cacher l'existence de ce bateau ?"). Symptomatiquement, même dans "La sima del diablo", dont l'objectif semble être de donner au personnage-titre un surcroît d'épaisseur, l'histoire donne l'impression d'être trop vite expédiée, sans que les enjeux en soient véritablement explorés.
Le même sentiment se retrouve vis-à-vis du graphisme adopté par Boris Beuzelin spécialement pour cette série, assez loin de ses travaux antérieurs. Le trait est le plus souvent assez fruste, presque simpliste, et ce n'est que trop rarement que Beuzelin revient vers un dessin plus élaboré - non seulement plus complexe, mais développant, là encore, de véritables ambiances qu'il n'aurait pas été forcément un luxe d'exploiter plus largement. Ce sont souvent, d'ailleurs, des moments où Bob Narval est, en quelque sorte, dans son élément : en plongée, le plus souvent, ou à la surface des flots, au cœur d'une tempête. Là encore, le sentiment de frustration domine quand on compare de telles planches à celles qui constituent la majeure partie de l'album.
La volonté des auteurs de revenir, ou du moins de rendre hommage, à un certain "âge d'or" de la bande dessinée franco-belge, semble manifeste. Hélas, le résultat rappelle plus les limites de certains titres d'antan, qu'il ne tutoie les chefs-d'œuvre passés. Ne reste plus qu'à espérer que le troisième tome, annoncé comme une histoire complète, et non plus une succession de saynètes, sera, lui, à la mesure des potentialités de la série, sous-exploitées dans ce Terrain vague.
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À lire également : chronique du t.1 "L'homme de fond" par L. Cirade.
Graphiquement les 2 albums sont vraiment superbes. L'idée du personnage principal est elle aussi excellente. Vraiment dommage qu'il soit servi par de petites histoires souvent sans intérêt ou a l'inverse trop courtes lorsqu'elles méritent d’être largement développée.
J'espère revoir le Narval avec un scénario digne de ce nom ...j'ai très envie d'un 5/5 !!!