L
a page de garde ouvre le bal de manière imagée : il sera question du caractère « pornographique » de la guerre, celle d’Irak en l’occurrence. Effectivement, la majeure partie de War songs tourne autour de l’obscénité dont elle découle et qu’elle génère. Mais pas seulement, l’idée du choc des civilisations - incapables de s’entendre - est sous-jacente. Cela ouvre la porte à de régulières digressions vers une thématique que l’auteur affectionne : l’Occident et ses travers. Opérant par histoires courtes qui, s'entrecoupant les unes les autres, sont censées former un tout, il livre une sorte de zapping bien moins pertinent dans le cas présent qu’il pouvait l’être pour No comment. Ainsi, un passage qui met en parallèle une mère ayant toutes les difficultés du monde à nourrir son fils d’une part, et de l’autre, une femme âgée qui prépare des petits plats à ses chiots est un parallèle qui, au plus, peut prêter à sourire, n’a dans l'absolu rien de très original. Incongru au sein de cet album, l’impression d’un mélange malhabile des genres prédomine, comme si l’auteur avait cherché des échappatoires à un sujet principal qu’il parvenait à aborder par bribes, sans en cerner l'ensemble.
Comme à son habitude, Ivan Brun porte un regard très sombre sur ce qu’il décrit. Cette manière quasi-compulsive de noircir toute chose à l’extrême, d’occulter systématiquement le positif, dessert son propos tant il devient prévisible ; tant il est parfois caricatural. Son système narratif dont la principale spécificité est de remplacer les textes par des symboles semble trouver ses limites dans la longueur. Comme pour tout exposé, l’efficacité se dilue souvent dans la durée et la multiplicité. L’enchainement des cases, pas toujours heureux, amplifie cette impression. Certes, les processus dénoncés méritent de l’être et il n'y pas de raison pour que seule la presse en fasse son quotidien. Mais, si le poids des images, formidable outil de manipulation par ailleurs, est aujourd’hui indéniable, leur accumulation nécessite une certaine cohérence d’ensemble pour conserver du sens.
L'effet de surprise qui accompagnait No comment s'est estompé et la "méthode Yvan Brun", basée sur une succession d'uppercuts à l'estomac qu'on surprenait à réclamer, apparait moins efficace et surtout moins limpide. War songs contient de bonnes choses, mais manque de panache et, surtout, le sentiment que la construction, et par conséquent le propos, sont confus l'emporte.
Autant j'ai été convaincu par No comment, autant j'ai été un peu déçu par ce War songs. Pas au niveau du dessin qui est toujours à mon goût, pas au niveau du message, mais plus au niveau de la lisibilité. J'ai souvent décroché de la lecture, suis revenu souvent un peu en arrière pour être sûr que je captais bien. C'est le défaut de cette qualité de ne pas avoir de texte mais uniquement des symboles en guise de dialogue. Peut-être une BD qu'il faut lire quand on est au taquet !? Reste le contenu, violemment cru, mais toujours intéressant et radical, mais, comme je le disais, un peu brouillé par la narration et le découpage de l'histoire.