D
ans China Girls, les éditions Xiao Pan, en retrait depuis plusieurs mois, proposent au public français de conjuguer la bande dessinée chinoise au féminin à travers douze nouvelles, dans lesquelles douze artistes prennent crayon, palette et plume pour livrer leur âme et se dévoiler. Œuvre à plusieurs mains oblige, le contenu s’avère disparate tant graphiquement que sur le fond. De nombreux thèmes sont abordés avec plus ou moins de finesse, d’à propos et de talent, sur un mode généralement empreint d’une douce nostalgie ou d’une sombre mélancolie, malgré quelques touches plus humoristiques ça et là. Mais, souvent, frappent la fatalité des dénouements et la force des émotions à fleur de peau.
Ma Xin (Mon prisonnier évoque la recherche, pleine de déboires, de l’homme idéal, celui qui resterait chez l’amante, serait tout à elle à chaque instant, à chaque battement de cœur, tandis que Little Thunder (Apple baby cat) plonge Mimi dans les affres d’une cure d’amaigrissement, sans succès, destinée à conserver son copain. À coup de souvenirs qui s’étiolent et de rires juvéniles, Fang Yili (Chengdu baby, Guo San (Fleur) et Hu Rong (Pourpre) mettent en scène des héroïnes amenées à faire le point sur leur existence. Pour ce faire, tous les moyens sont bons : maladie d’un chien qui rassemble trois ex-colocataires, fleur en pot laissée par une amie surbookée et sans-gêne, ou simplement retour au pays après plusieurs années d’absence. Les spectres d’amitiés et de rencontres anciennes (Pourpre et Séparation signé Xi Ying) flirtent avec les fantômes de l’enfant perdu, qu’il soit décédé trop tôt (Bonbons) de Ji Di, qui revient là avec une nouvelle dans la veine de certains épisodes de My Way) ou qu’un couple ne l’ait pas laissé naître (magistrale évocation de l’avortement par A Geng dans Graine). Et l’ombre de membres jadis vivant accentue la fragilité et les regrets d’une adolescente handicapée dans Rêve de Liu Xing. Très différents, Dors, mon bébé ! de Seduce et Naissance d’une artiste de Coco font office de rayons de lumière, par leur côté plus réjouissant et amusant.
Le camaïeu de sentiments à vif se décline en des dessins aussi variés que le sont les jeunes auteures. Rappelant quelques réminiscences à moitié effacées, les aquarelles éthérées de Rain et de Xi Ying cèdent la place aux protagonistes très fashionistas et (trop) bien léchées - voire figées - de Fang Yili et Hu Rong. Dans un festival de couleurs vives et avec un coup de crayon rappelant celui de Junko Mizuno, Ma Xin décline les délires amoureux de sa lolita en mal de mâle. Le feutre de Little Thunder donne à son histoire de boulimie et anorexie un petit côté naïf et frais, tandis que le trait brun et mauve de Guo Yuan joue sur la simplicité tout en accentuant les mimiques. Les tons bleus et froids déclinés par Ji Di et A Geng renforcent, quant à eux, l’expression poignante du chagrin, faisant littéralement plonger le lecteur dans l’horreur de la perte.
En conclusion, malgré les défauts inhérents à un collectif et une disparité parfois trop marquée scénaristiquement China Girls constitue une agréable lecture.
Le problème avec ce type d’œuvre, c'est le mélange des genres tantôt poétique et mélancolique, tantôt humoristique. Certes, il s'agit de découvrir le talent de 12 jeunes artistes chinois qui nous racontent leur vie de femme dans ce grand pays qu'est la Chine. Il y aura donc 12 sensibilités différentes aussi bien sur le plan graphique que sur les expériences de vie en passant de l'amour à la mort.
Je n'ai pas été conquis par ces china girls. Ces portraits m'ont laissé de marbre car je me suis souvent ennuyé. Il y a une réelle pauvreté dans la mise en scène qui ne suscite point l'envie. Cela manque singulièrement de profondeur. Par contre, c'est toujours une bonne idée que de faire découvrir ces artistes chinois de la nouvelle vague.