L’ouverture emprunte à l’univers du western : une grande place déserte avec en son centre une DS noire ; le patron attend. De l’usine, guère plus agitée, sort le syndicaliste, il se dirige lentement vers la Citroën. Cette scène taillée sur mesure pour Ennio Morricone n’amène pour autant pas le déchaînement de violence qui survient usuellement quand la tension culmine à son paroxysme. Cela viendra peut-être plus tard, mais pas dans ce premier tome d’une lenteur estivale. Et pourtant, il s’en passe des choses. Oh, trois fois rien sans nul doute, mais tout de même. D’ailleurs, on en parle au bistro. Il y a d’abord ce qui défraie la chronique nationale : ces disparitions de fillettes dans le Sud du pays. Les recherches sont menées au niveau local, c’est-à-dire fort loin du lieu concerné, par un capitaine de gendarmerie qui ne semble pas avoir inventé l’eau chaude mais constant dans l’effort. Son escouade le suit avec l’enthousiasme modéré des perplexes. Ensuite, cette canicule et les restrictions d’eau qui vont de pair. Au-dessus, inlassablement, les hélicoptères veillent à leur bonne application. Enfin, cette rumeur inquiétante et imprécise qui plane au-dessus de l’usine. Heureusement, comme le disent ses collègues, avec Max Plume, leur représentant syndical, le patron ne devrait pas rigoler. Cela, entre autres choses.
De prime-abord, cette série, portée par une torpeur omniprésente qui tape sur le ciboulot des protagonistes et œuvre pour un surréalisme de chaque instant, semble comme passée. Certes, et aucun doute n’est possible là-dessus - les codes vestimentaires sont éloquents en la matière -, l’action se situe très précisément dans les années soixante-dix. Mais au-delà même de cette évidence, tout concourt à renforcer cette impression d’une époque « autre ». Le rôle principal se fait discret, même si beaucoup d’éléments tournent autour de lui. Cela profite aux personnages secondaires, chacun est amené avec tout le soin nécessaire, et il n’est pas difficile pour le lecteur de se faire une idée sur les grandes lignes du passé de chacun. Il est question ici des petites et grandes histoires des petites gens. La tonalité de cet album est proche de ceux de Pascal Rabaté et du cinéma de Robert Guédiguian : un doux mélange de légèreté et de gravité, d’insouciance et de conscience, le tout dans un univers quelque peu décalé, comme entre-parenthèses.
Cette impression doit beaucoup au graphisme, très lisible, mais aussi relativement particulier. D’un côté, les faciès, forts anguleux dans leur représentation, font parfois penser à des arrêts sur image qui seraient extraits de jeux vidéo. D’un autre, les couleurs aux tons pastels et une texture comme granuleuse renvoient à d’autres temps, avant l’avènement de l’informatique. Ce rendu qui pourrait dérouter fonctionne en réalité très bien avec l’atmosphère générale de ce récit situé à l’aube de notre ère moderne et résolument désuet pour tout dire.
Atypique et classique, ce premier tome est empli de promesses tant il ouvre avec bonheur de possibles éventualités pour la suite. La balle est dans le camp des auteurs.
Cette lecture a été une bonne surprise pour moi. Non seulement l'ambiance des années 70 est très bien retranscrite avec une multitude de petits détails que le lecteur aura plaisir de découvrir, mais le scénario paraît assez passionnant sur fond de crise sociale.
Au début, j'ai été dérouté par cette espèce de graphisme en photographie qui fait très réaliste. Cependant, je dois reconnaître qu'on est tout de suite immergé dans le récit comme si on suivait un film sur grand écran. Les couleurs sont chaudes comme le Sud... Attention, ne pas se fier au titre qui induit forcément en erreur.
Mention spéciale pour ce jeune scénariste qui peaufine ses intrigues et qui possède indéniablement le sens du dialogue. Que de chemin parcouru depuis le fade William Panama. Je viens de lire récemment l'étonnant Erzsebet. Je m'aperçois que l'auteur sait se renouveler et surprend dans un autre genre.
C'est une bd qui semble sortir du lot grâce à son graphisme un peu spécial mais qui m'a séduit. J'ai cependant dû attendre trois ans avant de lire la suite ce qui semble assez long pour un diptyque. Le second tome multiplie les sous-intrigues au point de perdre un peu le lecteur en route. Après un excellent début, j'avoue avoir été déçu par le dénouement qui ne répond pas à toutes mes interrogations. Pour autant, cela reste une bonne oeuvre à découvrir pour son ambiance très seventies sous une chaleur étouffante.
Très bonne petite surprise de l'année.
Un dessin et une colorisation surprenants mais une intrigue finement amenée. L'ambiance des année 70 est parfaitement retranscrite .
D'ailleurs, rien n'y manque :des chansons de Joe Dassin, au méga-tube "porque te vas", jusqu'aux voitures (ne serait-ce pas des photos? voir la page 31 de sortie d'usine) ou encore les vétements ( le mythique T-shirt de l'AS St Etienne -allez les Verts !!- est même en couverture'. J'avais 7 ans en 1976, et je me reconnais dans l'atmosphère décrite.
Sur fond de crise sociale et de drame humain, Cédric Rassat, à qui l'on doit déjà "la frontière" et William Panama, nous offre un univers quasi familier avec des situations cocasses (le quasi running gag du capitaine de gendarmerie).
Un premier opus de présentation très riche et qui, dans ses dernières pages, laisse augurer un développement plus dramatique.
Bref un album intéressant à plus d'un titre et qui mérite vraiment d'être découvert surtout pour les dessins.
Longtemps, je suis passé à côté de cet album et il a fallu la pugnacité de mon libraire pour me décider , tout d'abord à l'acheter (mais je suis faible) mais surtout à le lire.
Sans aucune publicité aucune (je n'ai lu encore aucun article dans la presse spécialisée), je crois savoir que cet opus commence à trouver son public. Et c'est bon signe pour son dessinateur, Raphaël Gauthey qui, par son style (faut-il parler de dessin, tant l'on s'approche de la photo), illumine cette histoire , somme toute assez sombre.
Un régal pour les yeux,
un scénario plus qu'intéressant,
bref une bd originale dans un paysage éditorial assez morne, en ce semestre, à mes yeux.