T
out le monde porte avec lui des blessures personnelles. Durant son enfance, Dolorès a été abandonnée par son père, Paco. Malgré son chagrin, cela ne l'a pas empêché de devenir une femme indépendante et de se construire une vie équilibrée. Néanmoins, en apprenant la mort de celui-ci, elle ne peut empêcher les émotions de l’envahir. Que s’est-il donc passé pour forcer cet homme à boire et, ultimement, à abandonner celle qu’il aime ? Armée de quelques documents anciens, Dolorès entreprend une longue enquête qui la fera croiser star oubliée, pègre et résistants du maquis dans une toile des plus inquiétantes.
Dans Dolor, Philippe Paringaux (Le sang des voyous) mêle avec un certain plaisir la quête du père, les destinées tragiques et les horreurs de la guerre. L’intrigue est admirablement construite. L’enquête de Dolorès sur les traces de son père commence des plus classiquement avec l’ouverture d’une enveloppe pleine de vieux clichés. Puis, petit à petit, viennent se greffer à cette trame, une multitude d’éléments mêlant histoires vraies (Mireille Balin) et inventions plausibles (liens entre la pègre et la résistance et les exactions commises à la Libération). Le scénario ouvre alors de nouvelles pistes et explore les côtés les plus sombres de l’âme humaine. Les destins croisés de Dolorès et Mireille Balin (une grande star des années 30 qui finit dans la misère) apporte à l’album une profondeur des plus intéressantes. Deux femmes farouchement libres au crépuscule de leur jeunesse ou leur gloire, ont devant elles le reste de leur vie : sauront-elles suivre le bon chemin ? Seul petit bémol, l’utilisation – particulièrement la seconde fois – de la compagne des dernières années de Paco tel un deus ex machina permet de clore une partie du récit un peu trop facilement.
Délaissant Loustal, son complice habituel, Paringaux semble avoir trouvé en Catel l’illustratrice idéale pour cette histoire. En effet, qui mieux que la dessinatrice de Kiki de Montparnasse et de Rose Valland pour dépeindre les aventures de ces deux héroïnes ? Dolorès est particulièrement réussie. Cette belle femme sait jouer de ses charmes quand il le faut, mais c’est aussi une créature fragile et, en dépit de nombreuses aventures, seule. Au-delà de la simplicité apparente de son trait, Catel réussit avec talent à montrer les différentes facettes de son personnage principal. Le jeu de style entre les différentes époques, très pur pour le présent, flageolant pour le passé et presque flou pour les épisodes les plus lointains, peut surprendre. En fin de compte, comme le procédé est parfaitement maîtrisé, il permet une lecture des plus agréables. Les différentes époques se côtoient, se ressemblent même, mais restent toujours clairement identifiables. La plus grande prouesse de la dessinatrice est, malgré la densité du scénario, d’avoir réussi à maintenir une grande lisibilité tout au long des pages.
Plongée dans un passé sombre en parfaite résonance avec le présent, Dolor est passionnant. À lire.
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Le site internet de Catel
Je n'aurais jamais cru cela possible. C'est la première fois que je note positivement une oeuvre signée Philippe Paringaux. J'ai en mémoire des titres qui m'avaient littéralement rebuté : Barney et la note bleue, Clichés d'amour ou encore New York Miami 90. Son style d'une épuisante lourdeur narrative me clouait littéralement sur place !
Or, en l'espèce, rien de tel ! Cela devient enfin une histoire animée où l'on découvre une héroïne qui recherche qui était véritablement un père qu'elle n'a pratiquement pas connu.
L'originalité de l'histoire est de s'inspirer du destin tragique d'une star d'avant-guerre qui a réellement existé et qui a sombré dans la déchéance et le désespoir. Il y a tout un dossier documentaire sur elle à la fin de ce récit. Certes, les ficelles sont classiques mais il se dégage tout de même quelque chose de positif.
Bref, ce n'est pas si mal ! Il y a du progrès qu'il va falloir poursuivre...