I
ls ne le savent pas encore, mais c’est la dernière fois qu’ils voient leur père vivant. Quand tous les chefs de famille arméniens sont convoqués par le kaïmakan, l’autorité locale, Mayranouche et son jeune frère, Dikran, sont loin d’imaginer qu’ils vont être les témoins d’un effroyable massacre, considéré comme le premier génocide du 20e siècle, en 1915. Embarqués par l’armée ottomane, ils sont soumis avec les autres femmes, enfants et vieillards à une marche forcée dont l’issue leur apparaît au fil des jours comme inéluctable. Avant cela, ils devront faire face aux humiliations, aux viols, à la famine qui coûteront la vie à plus d’un million de personnes.
Des années plus tard, en 1983, Dikran assiste à un concert d’un jeune violoniste turc. Pris d’un malaise, il est conduit à l’hôpital où le musicien le rejoindra bientôt. Ce dernier écoute attentivement l’histoire du vieil homme qui vient ébranler ses certitudes.
Laurent Galandon a de la suite dans les idées. Après la Shoah (L’envolée sauvage), la guerre d’Algérie (Tahia El Djazaïr) et le terrorisme islamique (Shahidas), il évoque dans le Cahier à Fleurs l'un des autres fléaux du 20e siècle. Contrairement à Paolo Cossi qui situe parfaitement Medz Yeghern - Le Grand Mal, dans son contexte historique, l’auteur aborde cette tragédie d’une façon tout à fait différente, en évoquant les souvenirs d’un rescapé. Si cet angle d’attaque confère beaucoup d’humanité au récit, il élude une partie des informations qui auraient permis de se faire une idée plus précise sur les origines de ce bain de sang. La quasi-totalité du premier tome traite de l’exode des familles arméniennes, déportées, avilies puis assassinées par des bandes kurdes ou des miliciens. Les plus « chanceux » seront enlevés et conduits dans des foyers musulmans, puis réduits en l’esclavage. L’auteur n’épargne pas au lecteur des détails sanglants, sordides pour certains. Il parvient à restituer toute la souffrance physique, mais aussi mentale, d’un peuple en train d’agoniser.
Le premier contact avec le dessin de Viviane Nicaise est la couverture, plutôt réussie. Le violon, cassé et désaccordé en premier plan, et les ombres des personnages au second, comme autant de notes disséminées sans partition pour les réunir, annoncent le drame qui se prépare. L’emploi de récitatifs est réduit au strict minimum, les images étant suffisantes pour la compréhension. Certains visages manquent parfois d’expressivité mais l’ensemble se révèle relativement homogène.
Le génocide arménien est relativement peu traité en bande dessinée et soumis, encore aujourd’hui, à controverses. Mauvaise orchestration constitue un bon tome introductif qui aurait mérité une mise en contexte historique un peu plus présente, afin que l’immersion soit totale.
Se montrer à la hauteur face à l’immondice, combat contre soi-même pour ne pas tomber à son tour dans la haine.
Preuve parmi tant d’autre que le rejet de son prochain trouve sa genèse dans l’ignorance. Une pudeur émouvante qui contraste sciemment face à l’horreur.
Une BD sur l'histoire du génocide arménien par les turcs.
On pouvait s'attendre au pire mais içi le sujet est traité avec beaucoup d'intelligence et de retenue au travers des déboires de 2 jeunes enfants rescapés et vendus en esclaves.
La musique en toile de fond comme le serait une bande originale de film.
Les dessins sont assez réussis et l'ensemble reste très agréable à lire même si indéniablement l'histoire manque un peu de rythme.
Sans problème pour moi pour découvrir le deuxième opus.
7/10.