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ourchassée par ses sœurs désireuses de réunir les trois morceaux du triskell sacré au risque de bouleverser l’ordre du monde, Aveline, morigane maîtresse des vents, échoue dans un orphelinat, où elle expire peu après entre les bras de Gwenaëlle. Celle-ci n’a pas le temps de se remettre de cette disparition ni de se pencher sur le joyau remis par la fée mourante, qu’elle est adoptée par les Kernardier, un couple de ramasseurs de goémon. Tandis que la jeune fille vaque aux nombreuses corvées que lui confient ses irascibles parents adoptifs, un nouveau drame a lieu dans la Cité des Mers. Non contente d’avoir éliminé Aveline, Maenne, reine tellurique, capture Ahès, son ancienne complice, s’empare de sa deuxième partie du triskell, et envoie son bras droit, Man Ruz, à la recherche du dernier fragment. Celui-ci ne tarde pas à en retrouver la trace et entreprend d’amener Gwenaëlle à le lui livrer. Mais l’orpheline entend respecter la promesse faite à sa camarade mourante et s’apprête à lutter contre Maenne et ses sbires.
Le folklore celtico-breton s’inscrit dans un grand nombre de titres proposés par les éditions Soleil. C’est donc sans surprise que celle-ci publient une nouvelle série s’inspirant de cet univers, dont elle reprend l’un des symboles, le triskell, et empruntant ça et là des patronymes aux consonances bretonnes. S’ouvre ainsi sous la plume d’Audrey Alwett (Lord of burger, Princesse Sara, Sinbad, Sweety Sorcellery, Gothic lolita) un récit héroïco-fantastique au féminin où magie, soif de pouvoir, combat contre le Mal et quête font bon ménage. L’aventure commence plutôt bien dans ce tome de présentation et est imprégnée d'un ton assez sombre, montrant suffisamment l’enjeu de l’intrigue : maintenir l’équilibre entre le monde des hommes et celui de féérie.
Néanmoins, certains détails et ficelles paraissent d’emblée trop gros, ou peinent à satisfaire le désir d’originalité du lecteur. Le statut d’orpheline de l’héroïne n’a rien de bien neuf et son adoption éclair par les (trop) bien nommés Kernardier – fallait-il vraiment les appeler ainsi, alors que leur caractère à lui seul permettait de faire le rapprochement avec les exploiteurs d’une certaine Cosette ? – n’apporte pas grand-chose au fond de l’histoire. Elle sert juste de tremplin à d’autres péripéties et semble rapprocher Gwenaëlle de la partie adverse, tout en soulignant sa condition misérable. Le crêpage de chignon entre les deux morganes survivantes est également attendu, puisqu’il est évident dès les premières pages qu’une seule peut régner sans partage et que toute alliance ne peut être qu’éphémère. Par ailleurs, les deux sœurs se révèlent relativement caricaturales quant à leur caractère. Le traître du récit, en revanche, paraît un peu plus intéressant, louvoyant de-ci de-là pour être dans le bon camp le moment venu.
Au dessin, Rémi Torregrossa campe une Bretagne prise entre terre, mer et air, façonnée par sa situation géographique bien spécifique. La frontière entre réalités humaine et féérique y est extrêmement mouvante, l’une chevauchant l’autre et le passage entre les deux se fait avec un naturel désarmant. Malgré quelques imperfections, le coup de crayon est maîtrisé, précis, et dynamique. Il s’attache à rendre au mieux l’expressivité des protagonistes et se pare de quelques détails au niveau des décors. Il est grandement appuyé par la mise en couleurs de Virginie Blancher (Mister Hyde contre Frankenstein, Waterloo 1911) dont la palette restitue de façon assez convaincante les diverses ambiances. On passe ainsi d’un panel de nuances vertes pour la forêt ou le milieu aquatique, à des teintes plus ocres, plus terreuses sur la plage et les falaises, en passant par des bleus d’azur et des couleurs brouillés pour des cieux tantôt sereins, tantôt chagrins.
La Marque de l'Entre-Monde constitue un début de série assez plaisant. Dommage que le scénario pèche par un excès de simplicité, du moins en apparence. Peut-être la suite nous détrompera-t-elle ?
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