À parcourir l’intégrale des Fables autonomes, et, spécialement, ce qui est inscrit sur les rabats de la couverture, il semble que tout ait été fait pour désarmer à l’avance la critique, la vider de son fiel et de tout ce qu’il était possible d’articuler avec évidence sur la ruralité, le roman picaresque, la gaudriole et les années cinquante. Ainsi, un obscur et pontifiant Bernard Lassablière, probable concurrent aigri par le succès mérité de la rédaction de BDGest’, présente le récit comme rien de moins que l’œuf cosmogonique de l’œuvre ferrique. Car, « comme Léda engendre l’Illiade et l’Odyssée via ses œufs où se lovent Hélène et Clytemmestre, tout Aimé Lacapelle, tous les Retour à la terre et tout De Gaulle à la plage sont déjà enclos dans ces premiers récits mêlant poésie et comique dans une redoutable cohérence ». Difficile de lutter !
Évidemment, il resterait à faire état de la « ruralité âpre et violente » qui imprègne des récits « à mi-chemin entre le réalisme social des Raisins de la colère et le lyrisme printanier d’Oscar le petit canard » mais c’était sans compter sur le redoutable insert du service presse venant couper l’herbe sous le pied du chroniqueur. Le voici (le critique aime à parler de lui à la troisième personne) réduit à paraphraser les points forts de l’album : les premières histoires d’un des grands maîtres de l’humour, le tout dans un grand format, avec une grosse pagination, pour un prix somme toute dérisoire et, surtout, la présence, soulignée par deux fois, d’un sticker « Par l’auteur de De Gaulle à la plage » !
Bref, il n’y a pas à dire, ils sont forts chez Fluide pour assurer leur promo et publier ces aventures loufoques garanties 100% terroir, l’appellation d’origine contrôlée de la Corn Belt des fifties en prime. Alors oui, en désespoir de cause, il est de bon ton d’ajouter que la plume de l’artiste provincial est déjà vigoureuse, nourrie à l’absurde et peuplée de pionniers tendance rednecks, le blaire au vent, et d’accortes pin-up. Le héros ferrien est un bouseux qui répond au doux nom de Mops, de Flint, d’Earl ou bien de Lee Harvey Oswald. Plutôt que de cultiver son jardin intérieur ou de fil(osoph)er à l’indienne, l’autochtone préfère noyer son ennui dans l’alcool de blé, ergoter sur la qualité du fumier, abreuver les terres du Mid-West de pesticides et se nourrir de pois ou de corned-beef. Côté basse-cour, la volaille, en avant-première, se la joue Chicken Run. Les citadins roulent en Buick, les Cheyenne ont les Crow et le FBI a maille à partir avec la police locale. Autant de scenarii bucoliques, attendrissants et crétins préfigurant la création du BIT, le bureau d’investigation tarnais, ou les campagnardes tribulations de l'ami Larssinet.
Lire aussi :
» La chronique de De Gaulle à la plage et celle du tome 3 du Retour à la terre.
Avec Les fables autonomes, Ferri nous emmène dans la ruralité américaine et nous délecte de petites histoires drôles. Son sens de l’humour et du dialogue font mouche à chaque fois.