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eau, jeune, fringant, Daisuke Suwa profite au maximum de sa popularité auprès des filles. La seule qu’il ne regarde pas, c’est Hinako, une camarade terrifiée par les garçons. Un jour, pour échapper aux assauts de Yuzu, son amie d’enfance, et de Kazuki qui veut devenir sa petite amie, le lycéen pénètre dans une église où Hinako entre peu après. Après avoir écouté sans le vouloir, la confession de la jeune fille, il comprend mieux sa peur des hommes. Violée par son beau-père, ayant déjà été deux fois enceinte suite à ces abus, Hinako a déjà vécu un long calvaire. Son intérêt ainsi éveillé, le bellâtre décide de la protéger et noue amitié avec elle. Mais ses sentiments glissent peu à peu vers l’amour, sans espoir de trouver un écho auprès d’Hinako qui croit que leurs liens ne sont qu’amicaux. Cependant, Kazuki, autoproclamée dulcinée officielle, s’est aperçue du changement survenu chez Daisuke et entend bien éliminer sa rivale.
Violences sexuelles, grossesses prématurées et non-désirées avec leur cortège d’avortement, de fausse-couche, d’accouchement sous X et d’abandon, Kei Kusunoki (Diabolo, Girl Circus, Innocent W) aborde des thèmes délicats dans Bitter Virgin, en les cristallisant dans son héroïne, une adolescente qui en a déjà bavé plus qu’elle ne devrait à seize ans. Elle enrobe le tout d’une relation amoureuse quadrangulaire, Daisuke étant pris entre trois filles, l’une impétueuse et coléreuse, la seconde rassurante et fraternelle, la dernière discrète et fragile. Une fois les présentations faites et le lourd secret d’Hinako mis au jour par le truchement artificiel, mais efficace, d’une révélation surprise à l’insu de celle qui l’a faite, le récit se déroule comme de nombreuses autres romances, à ceci près que le beau gosse du moment doit tout faire pour approcher celle qui l’attire sans la brusquer.
Questionnements et maladresse inévitables du jeune homme sont habilement mis en scène et confèrent une certaine justesse au propos, bien que, parfois, l’auteure en fasse un peu trop. Par ailleurs, elle parvient également à rendre de façon assez pudique, touchante et convaincante le calvaire de la lycéenne, abusée maintes fois par son beau-père. Néanmoins, la mangaka ne parvient pas à éviter le piège de la surenchère, car elle multiplie les malheurs d’Hinako, qui peine déjà à se reconstruire, en la faisant revivre un moment d’horreur et en la donnant en pâture à l’irascible Kazuki. Était-ce vraiment la peine d’ajouter cette rivalité et une forte dose de jalousie à une histoire déjà suffisamment riche en émotions ? Il n’en résulte qu’une impression de trop-plein et un versement dans des stéréotypes qui ôtent son cachet original au récit. Côté dessin, le trait plutôt simple de Kei Kusunoki est empreint des codes du shôjo, sans en reprendre les trames et autres scintillements ou fleurissement intempestifs. Pour autant, il ne se démarque guère et s’avère assez lisse dans l’ensemble, les personnages manquant graphiquement de charisme.
Malgré un sujet indéniablement intéressant, ces deux premiers tomes de Bitter virgin laissent une impression de gâchis, l'auteure versant trop dans la multiplication des adversités, pourtant déjà suffisamment grandes au départ. Le lecteur s'y penchera donc pour la thématique plus que pour le traitement.
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