L
a couverture en dit long : au premier plan, un homme d’origine africaine, le regard droit devant, marche d’une allure assurée tandis que d’autres personnes à la couleur de peau identique le suivent, comme s'ils emboîtaient le pas d'un leader charismatique. Lui, c’est Malamine, un érudit, diplômé de la Sorbonne en économie mais pourtant simple brancardier à Paris. Il a voulu faire profiter son pays de son savoir mais le gouvernement, peu enclin à recevoir des leçons d’un natif des « tribus de l’Est » le renvoie à ses pénates et lui ferme toutes les portes de l’Administration. Exilé en France, il souhaite « unir et organiser les forces intellectuelles des immigrés » en ayant la ferme volonté de retourner un jour chez lui. Dix années se sont écoulées et la haine se mêle désormais à l’espoir : contre les dirigeants français soutenant la dictature de son pays natal, contre la population locale à ses yeux arrogante, vulgaire et irrespectueuse, ou contre les jeunes africains, désormais intégrés, ayant oublié voire renié leurs propres racines. Une révolte intérieure gronde tandis que les chants des sirènes de l’ultranationalisme, incarné par l’inquiétant Osagefyo, tentent de l’emporter.
Les auteurs, tous deux d’origine Camerounaise, livrent une histoire forte et originale. La trame principale, l’amertume de Malamine et la spirale de l’échec le poussant dans les bras de l’extrémisme, est fort bien mise en œuvre. Il manque peut-être un avis plus tranché, ou du moins plus explicite, du jeune homme sur son pays natal et sur ceux qui l’ont rejeté. Son départ est ressenti comme une fatalité, sa révolte est dirigée uniquement vers son nouvel environnement, même si elle prend sans doute sa source ailleurs. Le récit s’attache aussi à décrire les conditions de vie des immigrés à Paris, les sans papiers, mais aussi les tentatives de récupération par les milieux intégristes de la détresse sociale et de la crise identitaire. Le dessin en noir et blanc, très hachuré, alourdit l’ambiance par son côté sombre et se révèle très efficace.
Malgré quelques imperfections et un manque d’approfondissement de certains aspects de l’histoire, Malamine offre une vision différente et sans concession d’une certaine forme d’immigration en France, vue de l’intérieur.
Les auteurs de cette bande dessinée sont africains et font partie d'une association visant à témoigner des réalités africaines.
J'ai conscience que ce récit a pour but de montrer les difficultés d'intégration en France d'immigrés africains déchirés dans des luttes tribales. Le héros de cette histoire s'appelle Malamine. C'est un diplomé en économie qui a été obligé de quitter précipitement son pays pour des raisons purement politiques. Il vient de réfugier en France avec l'aide d'un réseau. Au bout de 10 ans, il en vient à mépriser la France, le pays qui l'a accueilli, en la rendant notamment responsable de tout ce qui se passe dans son pays.
En effet, la France a toujours soutenu des dictatures en Afrique pour asseoir son influence après la décolonisation. Or, notre gentil héros en vient même à détester le peuple français comme ces gens un peu pressés dans le métro qui vous bousculent sans faire attention. Il fustige les femmes noires de s'enticher de français de pure souche. Il est enfermé dans des préjugés qui lui font dire que Barack Obama n'a aucune chance d'être élu président des Etats-Unis. Pourtant, le monde change...
C'est clair qu'on peut le comprendre car il termine brancardier en vivant dans un grenier à Paris. Il rumine sur le fait qu'il est déclassé professionnellement par rapport à son niveau d'étude. Pourtant, sa collègue lui rappelle que son métier est utile pour sauver des vies. Ce qui l'intéresse prioritairement, c'est de faire progresser sa théorie économique qu'il s'apprête à publier avec l'aide d'un éditeur d'origine africaine. Bref, son amertume le conduira à construire un véritable monstre qui va se retourner contre lui.
On se demande si le traitement de ce récit est subtil et si le message sera véritablement compris. On se rend compte que les problèmes sont bien plus complexes qu'il n'y paraît. Je pense même qu'une telle BD ne pourra que renforcer le racisme ambiant. Le final reste cependant plein d'espoir. En tout cas, nous avons une vision honnête de la part des auteurs. Gageons que ce travail soit reconnu !