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linor Jones est très fière d’avoir été engagée par la célèbre maison Tiffany, réputée pour les créations sur-mesure de sa jeune prodige, Bianca, et pour ses bals qui rassemblent trois fois par an les dames les plus fortunées d’Angleterre. Son arrivée coïncide avec une dispute opposant Abel à sa sœur Bianca, l’anniversaire de celle-ci et la découverte des tissus rapportés de voyage par Madame Tiffany pour la collection du bal d’hiver. A l’instar de ses consœurs Macy, Rachel, Lodie et Siam, la jeune femme se met immédiatement au travail, confectionnant un présent pour la perle de l’enseigne et créant le patron d’une toilette festive pour la cliente qui lui a été attribuée, quitte à s’épuiser à la tâche. Mais Bianca ne semble pas apprécier le cadeau d’Elinor et s’emporte quand, quelques semaines plus tard, la veuve Bethania dénigre la robe conçue pour elle. Elinor se rend alors compte que travailler pour les Tiffany n’est pas aussi idyllique qu’elle le pensait et que le manoir recèle bien des tensions et des secrets.
Après Gothic Lolita, la collection Blackberry des éditions Soleil accueille le premier tome (sur trois) d’Elinor Jones, uchronie située dans l’Angleterre victorienne. Fruit d’une étroite collaboration entre Algésiras (Candélabres, Les guerriers du silence), au scénario, et Aurore (Pixie, tome 10 de Kookaburra Universe), au pinceau, la série est axée sur l’une de leurs passions communes, la mode. Le sujet, pour le moins original, dresse la toile de fond d’un huis-clos traité avec délicatesse par la scénariste et relevant d'une belle construction.
Dès les premières pages, à travers les yeux d’Elinor, Algésiras pose les bases d’un univers, certes romanesque mais absolument pas mièvre, quasiment idyllique et dont la belle façade dévoile bien vite quelques accrocs qui donnent le ton. Ici, de nombreuses apparences s’avèrent trompeuses, l’héroïne n’étant elle-même pas en reste, et des camps apparaissent très vite parmi les protagonistes, malgré une certaine unité de corps. En effet, par petites touches, l’auteure distille les pistes, effleure les secrets, laisse entrevoir des vérités, tout en conservant un rythme constant porté par une narration fluide et contemplative. Car si l’effervescence ne manque pas dans la maison Tiffany, le récit se déroule avec un tel naturel, que le lecteur se laisse littéralement porter jusqu’à un dénouement propre à entretenir la curiosité. Par ailleurs, de la coléreuse Bianca jusqu’au jardinier Heng, assez effacé, en passant par le majordome Chao qui a l’œil partout et par Abel Tiffany qui, l’air de rien, fait pencher les évènements d’un côté ou de l’autre, les personnages ne manquent pas d’aviver les petits mystères qui planent dans le manoir, des camps se faisant progressivement jour.
Sublimant l’histoire, le graphisme d’Aurore colle parfaitement à l’atmosphère tantôt feutrée, tantôt bruissante de l’album, grâce à un découpage dynamique offrant de beaux plans très cinématographiques. Son trait, affiné, donne vie à des protagonistes, à l’allure attractive, qui ne laissent pas insensibles par le cachet de leurs tenues joliment stylisées. Sans aucun doute, robes longues, redingotes, accessoires, tous délicatement détaillés, sont également propres à faire rêver tandis que l’enthousiasme naît de la féérie habilement mise en images par la dessinatrice. Outre la magie des vêtements, qui atteint son apothéose dans la très belle scène du bal en pleine page, Aurore livre aussi de très beaux décors, intérieurs et extérieurs, dont l’ambiance automnale puis hivernale se traduit par une palette de couleurs riche et variée, jouant énormément sur les différentes lumières au fil de la saison, bien qu’à dominante pastelle.
Raffiné et délicat, mais loin d'être réservé aux seules filles, Le Bal d'hiver ouvre une série prometteuse, portée par un scénario et un graphisme bien maîtrisés. Tout comme Elinor, on reprendrait bien un quartier de pomme pour percer un peu plus les mystères entourant la maison Tiffany. À découvrir.
J'ai été un peu fâché avec Algérisas sur le fait qu'elle ne termine pas son excellente série Candélabres malgré le fait qu'elle clame depuis deux ans sur son blog que c'est pratiquement prêt. On se demande même si elle n'aurait pas des démêlés avec Delcourt son éditeur qui empêcheront la parution de ce dernier opus. Du coup, je voulais savoir si c'était cette nouvelle série qui lui prenait également toute son énergie. Est-ce que cela valait le coup ?
La réponse à cette question existentielle sera positive. J'ai bien aimé Elinor Jones qui nous fait entrer de plein pied dans une famille prestigieuse de grands couturiers à savoir les Tiffany à l'époque de l'Angleterre de la Reine Victoria.
Pour autant, je sais que cette série s'adresse en particulier aux filles qui rêvent de robes et qui ont vu déjà la trilogie des Sissi une centaine de fois. C'est le monde des grands bals avec des vêtements de rêve. Je ne suis pas un lecteur catégoriel. Je ne me dis pas "ouais, c'est une bd de gonzesse ou de mec". Je crois qu'il faut aller au-delà de ces a priori pour apprécier véritablement l'essence et l'âme de cette série.
Les dessins de type manga m'ont fait penser à la toute première série de mon enfance à savoir Candy. C'est clair qu'il y a de la nostalgie par rapport à cela. Je n'y peux rien mais cela me plaît. J'ai véritablement envie de connaître la suite de cette saga au rythme des bals des 4 saisons.
Le premier tome ne se termine pas vraiment en apothéose mais il répond clairement à certaines questions. Le second se poursuit mais n'arrive pas à monter en intensité malgré un drame légèrement bâclé. On sait que cela sera une trilogie mais il manquera toujours une saison pour terminer le bal...
Au final, on ne peut que succomber par autant de grâce et de charme ! C'est certes typiquement féminin mais heureusement d'ailleurs !
J'ai aimé ce premier tome, mais sans plus. C'est clairement une histoire faites par des filles pour des filles, tout se joue dans la psychologie des personnages et dans la finesse... mais ce n'est pas toujours réussi: là ou on croit qu'il y a une intrigue, il n'y en a pas, et vis versa. Je ne suis pas particulièrement une fan d'histoire, mais je suspecte qu'il y a quelques anachronismes, ce qui me fait décrocher de l'histoire quelque peu.
La BD était-elle un genre masculin? Avec Elinor Jones, elle vise clairement un public de filles (plus que de femmes) sans pour autant se laisser aller au scénario facile. Certes on croirait parfois se retrouver au pays de Candy, mais les caractères sont assez travaillés et pas trop binaires. Et voir ces pauvres ouvrières se tuer à la tache sous la houlette d'une gosse de 15 ans, caractérielle, égoïste et blonde bouclée a des allures d'allégorie très actuelle. Un jour mon prince viendra avec une boite à couture..