S
ur une suggestion de Lewis Trondheim, Mathieu Sapin a suivi le tournage de Gainsbourg (vie héroïque), le premier film réalisé par Joann Sfar. Les mains dans les poches ? Non, carnet et crayon en main. Feuille de chou est le fruit de cette prise de notes, bien évidemment illustrées.
Après avoir accepté le défi, Mathieu Sapin entre sur la pointe des pieds dans un univers qu’il ne connaît pas. Visiblement intimidé, voire impressionné d’avoir accès aux coulisses, il témoigne dans les premières pages [barre]témoignent[/barre] d’un désir de se faire petite souris - avec un bonnet andin, la petite souris. Non pas pour épier et « sortir du sensationnel », mais bien pour s’immerger discrètement dans une fourmilière où chacun connait son rôle (on ne parle pas des acteurs, qu’il aura côtoyés d’assez loin) et sa place. Et Dieu sait s’ils sont nombreux à graviter autour d’un plateau ! Tout au long des pages, les visages défilent dans leur environnement et l’exécution de leurs tâches, avec leurs noms cités systématiquement. Ce souci du détail donne le sentiment de voir à plusieurs reprises un générique, dont on ne sait plus trop si sa vocation est de servir d’aide-mémoire à son auteur dans un premier temps, ou s’il est dicté par l’inquiétude de ne pas livrer des portraits d’une fidélité absolue d'un point de vue graphique du fait de la vitesse d’exécution nécessaire pour saisir l’instant. A mesure que Mathieu Sapin - plus sage que dans ses œuvres de fiction - semble trouver ses repères et se familiariser avec l’exercice, le lecteur se sent aussi plus à l’aise. Le rendez-vous est donné pour suivre chaque jour de tournage (ou presque) et découvrir une facette de la fabrication du film. Moins empesé, moins académique et, pour tout dire, moins promotionnel que la plupart des making-of qui accompagnent certains DVD, ce journal est plus chaleureux et vivant. Le sujet, c'est bien le travail des "petites mains", et non ce qu'il sera donné de voir à l'écran.
Si on n’y relève aucune trace de soufre, ce n’est pas apparemment en raison du souffle de la censure. Soucieux d'éviter qu'on ne dévoile, dans certaines circonstances, le comportement ou les caprices de tel ou tel, Joann Sfar se montre quelquefois un peu directif mais cela n'enlève rien à l'intérêt du témoignage. Les voyeurs en seront pour leurs frais. Par ailleurs, Sapin ne se prive pas de relever certaines manies rigolotes de son ami qui se lançait dans un exercice nouveau pour lui. Agréable à lire, didactique, mené avec légèreté puisque l’apprentissage se fait par le biais d’un novice, proche de ceux auxquels il se destine au point que l’approche de la dernière page, synonyme de séparation avec l’équipe, est redoutée, Feuille de chou emprunte une voie nouvelle qui réjouira à coup sûr ceux qui aiment la fraîcheur et la spontanéité des « carnets ». A la découverte de ce parfait complément à Gainsbourg (hors champ), le fan n’aura qu’une expression à la bouche : « On est content »
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