L
e 23 mars 1865, cinq aventuriers abandonnent un dirigeable en perdition pour s’échouer sur une île mystérieuse.
En 1849, à l’école polytechnique de Paris, la jeune Anusha Kapoor rencontre le prince Dakkar, venu en Occident pour s’instruire et ramener dans son pays, l’Inde, les connaissances nécessaires pour défaire l’envahisseur anglais.
Après une mise en place plutôt laborieuse, présentant les cinq compagnons d’infortune sans susciter chez le lecteur un enthousiasme démesuré, le récit passe allégrement d’une trame à l’autre jusqu’à les concilier en fin d’album. Pour classique qu’elle soit, cette construction, souvent préférable à un flash-back inséré artificiellement dans le cours des événements, relève d’un choix heureux de la part du scénariste, même si les transitions peuvent parfois paraître abruptes. Ce n’est donc pas par sa narration et sa façon de distiller les informations au fil des pages que Mathieu Gabella déçoit dans cette ambitieuse revisite d’une œuvre majeure de Jules Verne, alors que c’est justement ce point précis qui l’empêchait de réaliser avec La licorne la série d’exception qu’un début flamboyant laissait entrevoir. Non, ici, c’est au niveau des personnages que le bât blesse. Nombreux, rassemblés dans ce qui n’est finalement qu’un tome d’introduction, ils n’ont pas suffisamment de caractère pour emporter l’adhésion. Leur présentation succincte en début d’album provoque plus d’ennui que de passion, et leurs réactions face aux dangers qui se présentent par la suite ne sont pas à même de leur conférer une plus grande personnalité. Quant au couple indien, dont le destin tragique est pourtant de nature à intéresser le plus grand nombre, il n’a pas l’envergure nécessaire pour compenser à lui seul le peu de consistance des autres protagonistes.
Le style peu relevé des textes narratifs et des dialogues entérine le sentiment plus que mitigé laissé par une entrée en matière qui manque sa cible. Et si les inventions de Dakkar, donnant au récit un petit côté uchronique, constituent un élément intéressant, elles ne sont malheureusement pas assez détaillées pour être véritablement intrigantes. Hélas, le dessin de Kenny ne suffira pas à redorer le blason de cette nouvelle série. Semblant hésiter sans cesse entre un style semi-réaliste et une inspiration clairement tournée vers le monde du manga pour les personnages, il ne parvient pas à dégager de ses planches une identité forte. En définitive, le lecteur, ne sachant trop sur quel pied danser, éprouvera certaines difficultés à s’attacher à cet univers graphique, d’autant que la mise en couleurs de Maz, sans doute trop lumineuse pour rendre un sentiment de mystère qui se marierait pourtant à merveille avec un récit d’aventure de ce type, manque trop souvent de finesse. La couverture de ce premier volume, sans grand raffinement et d’une composition peu heureuse, laissait présager d’un tel verdict en fin de lecture, et cette prime impression aura finalement été la bonne.
Né de l’ambition des auteurs de conter une grande et belle histoire, inspirée de l’œuvre d’un auteur qui occupe une place de choix dans l’imaginaire collectif, Le mystère Nemo ne convainc donc pas et se solde par une déception, malgré un léger regain d’intérêt en fin d’album. De toute évidence, Mathieu Gabella s’est déjà montré bien plus inspiré, notamment et surtout lorsqu’il alliait une narration de qualité et des personnages autrement plus approfondis dans son excellent Sept prisonniers, peut-être le meilleur de la série des Sept. Revanche au prochain tome ?
L'histoire du capitaine Nemo revisité, avec brio et intrigue. Dessins sympas, scénario qui se lit très bien sans complications mais avec un léger suspense qui vous invite jusqu'à la fin des 3 tomes qui font une histoire complète. Vraiment bien !