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n coin de campagne bien calme, un ciel bleu dépourvu de pollution, des animaux pittoresques, une forêt pleine de promesses, il n’en faut pas plus pour qu’Eric, Lou et leur petite Annaëlle franchissent le pas, quittant Paris pour s’installer dans une maison rurale. L’environnement leur paraît d’emblée charmant, à condition de ne pas trop penser au loup qui pourrait hanter le bois. Leurs voisins se révèlent serviables, quoiqu’un peu goguenards et toujours prêts à filouter les Parigots. La famille se serait bien passée de la « bonne affaire » du père Lermerle : une chèvre au mauvais caractère et dévorant tout. Mais, si les bons conseils des paysans du crû en matière de cochon chasseur de truffes n’ont pas vraiment donné les résultats escomptés, le retour à la terre ne se passe pas si mal. Quoique… avec la veuve Lanvieuse au dos vouté et au nez crochu de sorcière qui crèche à côté, Eric et ses femmes sont-ils bien en sécurité ?
Un père dessinateu pas toujours rassuré dans sa nouvelle maison, une mère citadine forte face aux dangers potentiels du monde rustique sauf quand il s’agit d’araignées et une fillette espiègle, ravie de découvrir chaque jour mille merveilles bucoliques, il n’en faut pas plus à Nicolas Jarry pour animer les tribulations d’un trio d’urbains à la campagne. L’ensemble fleure bon le foin, les fleurs pastorales et les sous-bois - le purin aussi, parfois.
C’est donc avec plaisir que le lecteur s’invite dans cette partie champêtre faite d’agréables futilités, de rencontres amusantes et de réalités parfois angoissantes – on ne se promène jamais impunément dans les bois, qui sait si le loup n'y est pas ? Décomposé en saynètes à gag d’une page, l’album joue sur la corde de l’humour bon enfant, sans oublier pour autant les moments plus tendres, multipliant les situations comiques et les confrontations amusantes, en particulier grâce au nombreux membres du voisinage. Hauts en couleur, tous ces personnages issus de la campagne profonde possèdent de petits travers et singularités habilement mis en scène par Jarry. Contrariés de voir débarquer des Parisiens qui n’y connaissent rien, ils sont grincheux, moqueurs, un brin crapules, surtout les hommes, pourtant au fil de ce premier tome, ces chasseurs, agriculteurs, éleveurs, anciens résistants, tous prompts à sortir le fusil, se laissent aussi conquérir par la frimousse d’Annaëlle et la gentillesse de Lou. En revanche, Eric devra repasser et prouver d’abord qu’il est un homme, un vrai, un rude, prêt à lever le coude aussi souvent de ces nouveaux copains, ou à attendre patiemment dans une clairière qu’un lièvre daigne montrer le bout de ses oreilles.
Harmonieusement mis en couleurs par Silvia Fabris, le dessin de Paolo Delplano est à l’avenant, arrondi et fluide, comme l’histoire. Il campe joliment les protagonistes dans les champs et près des fermes, en bleu de travail ou treillis pour les uns, chapeau de paille et casquette sur la tête pour les autres, les animaux paisiblement installés sur l’herbe ou vautrés dans la boue, les fleurs autour desquelles virevoltent abeilles et papillons. Les visages des paysans sont burinés, malicieux, marqués par le travail, l’âge et un certain isolement. Ils évoquent ces (plus ou moins) vieilles gens que, petits, certains allaient saluer - même que parfois ça piquait - quand ils visitaient les grands-parents, là-bas, dans ce village paumé mais plein de souvenirs de vacances.
Véritable bol d’air frais, revivifiant et d’une lecture agréable, L’odeur du foin invite au dépaysement, à la balade agreste, en jouant sur l’humour, la tendresse et un brin de nostalgie. A découvrir.
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