Ma vie d'ado 1. Cahier de travaux pas pratiques

I l y a quelques années déjà, une jeune femme prénommée Valentine avait déboulé dans le paysage BD pour se faire autant remarquer qu’un poil maudit sur une gambette gracile ou qu’un bourrelet disgracieux sur une taille de guêpe. Avec son anti top-model obsédé par la pilosité, les régimes, les complexes en tous genres et son incapacité chronique à trouver un mec, Anne Guillard s’était fait remarquée par un sens de l’humour et de la dérision tout à fait croustillant, autant qu’avec une marque graphique immédiatement identifiable. Tout juste pouvait-on lui reprocher de ne pas avoir tourné la page assez tôt et commis au moins un tome de trop. Ce sont des choses qui arrivent.

Début 2010, c’est au tour de la petite cousine d’exposer sa Vie d’ado dans une suite de scènes rigolotes au cours desquelles Patricia se frotte à ce qui fait le quotidien d’une collégienne et qui avaient été publiées dans le mensuel Je Bouquine. Pourquoi cousine plutôt que petite sœur ? Parce Patty est moins catastrophique dans sa tête et plus attachante que Valentine, l’éternelle mollassonne accablée par la vie. Bonne élève, surtout si on la compare à sa grande sœur, plutôt futée et moins futile que la moyenne sans avoir un profil de première de la classe, sa plus grosse tare serait sans doute d’avoir treize ans. Ça arrive à tout le monde, et avant d’être immunisé, il faut en passer par là et adopter le comportement ad hoc, dans ses relations avec ses parents, sa fratrie, ses profs, ses congénères à tendance acnéique comme dans son absence de relation avec Ludo de 4è B, le mec le plus mignon du bahut.

Avec un sens de la caricature qui a le mérite de ne pas trop en faire, défilent des situations cocasses mais réalistes, sans négliger de faire une place aux autres membres de la famille : la mère hyper forte pour accommoder le céleri bio à toutes les sauces et à tous les repas, le père informaticien toujours un peu ado dans sa tête qui ne déparerait pas dans une discussion « jeux vidéo » dans une cours de récré, la petite sœur et sa fâcheuse tendance à plonger la tête la première dans les liquides les plus variés, ou la grande, cancre avérée qui mise tout sur son apparence. Mais la vraie bonne idée est ailleurs. Pour éviter de seulement miser sur ses capacités d’observation (qui a dit sa mémoire ?), l’auteure conclut toutes ses planches par une série de questions qui justifient le sous-titre (Cahier de travaux pas pratiques) de l'album. Entre le type de test qui fleurit dans la presse destinée à cette tranche d’âge et l’intitulé de devoir, la plupart sont franchement drôles et apportent un complément indispensable aux saynètes qui les précèdent. Une sorte de pendant aux pastiches de magazines people et féminins de Valentine en quelque sorte, mais encore plus convaincant et qui se renouvelle avec bonheur. Mention spéciale décernée aux exercices « interactifs » tels que la frappe de SMS sur portable dessiné, l’entraînement à la chasse au moustique à coup de vieux chausson sur l’album ou encore au perçage rageur de boutons en bas de page à la pointe de stylo.

Rafraichissant et idéal pour se marrer entre copines, en faisant circuler l’album de mains en mains. A utiliser en revanche avec précaution et tact pour tenter de s’esclaffer en compagnie de sa progéniture lorsqu’on est parent. C’est chatouilleux parfois à cet âge-là…