I
solé, perdu, Eric a eu un geste désespéré. Malgré la présence des copains, la dépression le ronge. De son côté, Christophe poursuit ses études et se rend compte que les différences se creusent entre eux. Pourtant, ces disparités ne constituent-elles pas la force des plus grandes amitiés ? C'est ce que les jeunes gens vont découvrir, dans la douleur comme dans la joie, surtout quand les histoires d'amour s'en mêlent.
Certaines lectures ne laissent pas indemnes. Les Ensembles Contraires est de celles-là. Dans ces pages, il y a la Vie, la vraie ; des coups de gueule, des coups de cœur, de la solitude et de l'amitié. Et parce que l'expérience est personnelle, mais les sentiments universels, le récit fait mouche et en appelle au propre vécu du lecteur. Le passé commun des auteurs est raconté sans détours ni faux-semblants, simplement et sûrement. Il n'est pas forcément facile de se replonger dans ses souvenirs, surtout lorsqu'ils sont aussi intenses qu'une dépression ou un amour passionné. Pourtant le rendu narratif est subtil et fluide.
Bien que n'ayant pas partagé les rebondissements de la vie des jeunes gens, en qualité d'observateur disposant d'une certaine distance, Nicoby les illustre avec pudeur. Son trait et ses couleurs, ses ambiances uniformes vont à l'essentiel sans perdre en expressivité, laissant le spectateur combler un décor, une tenue vestimentaire ou encore une impression avec ses propres représentations. Un tel style, associé à l'efficacité des dialogues donne une narration prenante et une œuvre incontournable.
Certains pourraient légitimement se demander où se situe l'intérêt de lire la vie des autres, ce quotidien banal, commun, qui fut le leur également. Mais outre le fait qu'à aucun moment le lecteur n'est un voyeur, ce genre de livre réveille son propre passé et ravive toute une panoplie d'émotions peut-être oubliées depuis longtemps, en pouvant même changer leurs perceptions. Avec cette plongée en adolescence, l'écho de la lecture des Ensembles contraires résonne encore bien après l'avoir refermé.
On s'est arrêté sur la tentative de suicide d'Eric dans la précédente partie. Son ami Chris va tout faire pour lui apporter son soutien. On peut voir que cette amitié est totalement indéfectible même si elle paraissait improbable à première vue en raison des différences sociales des deux protagonistes.
Il faut savoir sans doute dépasser ses clivages de ces fameuses classes sociales pour découvrir le meilleur chez chaque individu. On se rendra compte que ce n'est pas que la connaissance et la culture qui font la différence. Il y a d'autres qualités à découvrir.
J'avoue que le personnage d'Eric m'a fait parfois beaucoup de peine. Il a de la chance d'avoir Chris comme ami car ce dernier ne se disputera jamais avec lui pour remettre en cause ses choix de vie. Il fera absolument tout pour son ami. Je trouve que c'est la description d'une très belle amitié sans équivoque possible. D'autres non pas connu cette chance et peuvent être comme dans la situation d'Eric qui voulait parler à cette fille volage non dotée du sens de l'écoute profonde.
Sinon, tout à la fin, cela se termine plutôt bien malgré toutes les difficultés rencontrées. On regrettera de ne pas savoir le fin mot de toutes les situations évoquées comme par exemple pourquoi la sœur d'Eric ne lui a pas donné de nouvelles pendant 14 ans. On aurait aimé un saut dans le temps pour savoir ce que les personnages sont devenus mais nous le savons puisqu'il s'agit de deux auteurs aux commandes du scénario.
Un mot sur le dessin de Nicoby pour indiquer que je l'adore dans sa précision et ses rondeurs. La colorisation est une pure réussite. Tout cela rend cette lecture très agréable.
Les ensembles contraires resteront pour moi le meilleur album qui soit sur l'amitié.
Deuxième chronique de cette amitié entre l'intellectuel et le prolo. Ce dernier a du mal à s'accrocher à la vie malgré l'aide du second, mais l'amour et l'amitié finiront par triompher.
Dessin toujours aussi difficile (on a quelquefois du mal à comprendre qui est qui) mais qui est peut-être adapté à une histoire vrai dont les représentations ne peuvent pas être trop réalistes. Et les ellipses volontaires nécessaires pour respecter la vie privée de certains frustrent un peu de ne pas connaître comprendre ce qui se passe.
Mais au total cette chronique de la fin d'adolescence est toujours aussi forte et prenante. Très bon à lire.