D
e la fantasy à l’Association. On croit rêver. Et pourtant… Bon, c’est vrai, on est loin de Lanfeust et toute sa clique. Dessin en noir et blanc, petit format, style plutôt statique… et ça ne défouraille pas à toutes les pages. Amateurs de dragons, de combats homériques et de paires de seins exposées au tout venant, passez votre chemin.
Par contre, les férus de jeux de rôle devraient y trouver leur compte. Il faut dire que l’inspiration est réelle, et l’album tourne rapidement à la gentille parodie : langage djeun’s, quêtes à accomplir, armes et artefacts à glaner en cours de route, rien ne manque, jusqu’à certaines mises en page qui rappelleront aux gamers leur écran d’ordinateur.
C’est plus qu’évident, Joe Daly a dû se marrer en écrivant son Dungeon Quest. Il jongle avec les codes du genre, mais il les respecte. Du coup, son bouquin a plus des airs de clin d’œil amusé que de satyre. Et finalement, même si la quête est bidon et les rebondissements rocambolesques, même si les personnages sont cons et leurs noms ridicules, on accroche et on a envie de savoir la suite, ne serait-ce que pour voir jusqu’où l’auteur voudra aller dans le pastiche. Déjà, malgré un ton plus que léger, il ne fait pas l’économie de la violence de ces univers imaginaires, quand bien même les transpose-t-il dans la réalité.
En fin de compte, Dungeon Quest, c’est un délire parfaitement assumé, parfois un peu lourd, mais qui, contrairement aux adaptations de jeux vidéo à succès qu’on peut trouver par ailleurs, est réalisé avec talent et intelligence… Jusqu’à un travail de traduction impeccable de la part de l’Association, dont pourrait s’inspirer nombre d’éditeurs qui ne semblent pas accorder à cet exercice délicat l’importance qu’il mérite.
Même en lisant cette BD au second, troisième ou quatrième degré, je ne me suis guère amusé. Le dessin est quelconque (avec qui plus est beaucoup de cases aux décors similaires, d'où une impression de monotonie) et le scénario, qui reprend les codes des jeux de rôle ou jeux vidéo d'aventures en les parodiant, pas très emballant. Bref, j'ai trouvé cette sorte de "BD dont vous êtes le héros" fort ennuyante.
Enfin une bande dessinée alliant beaux dessins et humour très second degré. On dirait une version moderne de l'humour légèrement décalé et réactualisé des Monthy Pytons avec une dose de fantastique aux frontières de David Lynch. Une belle surprise que cet auteur qui de livres en livres est de plus en plus intéressant.
Voici un livre, largement célébré par la presse et dans les festivals, qui m'a laissé songeur. Pas dubitatif, non… songeur ! Alors, chef d'œuvre au quatrième degré, ou simple blague potache un peu en roue libre ? Pas facile de trancher, car si l'on comprend bien la mécanique originale, maligne, mise en branle par Joe Daly, s'inspirant finement des règles assez crétines (il faut bien le dire) des jeux vidéo, on peine un peu à savoir où il veut nous emmener. Vers une critique décalée du comportement des ados, n'utilisant leurs talents que pour se livrer à des jeux décérébrés et des commentaires méchants ? Ce ne serait alors pas grand-chose : ni original, ni vraiment drôle, ce genre de pamphlet tomberait bien à plat. Entraîner au contraire ses lecteurs dans un monde aussi inquiétant que fascinant, à la manière des grands artistes américains du moment (on pense à Charles Burns, évidemment..) ? Pour cela, "Dungeon Quest" manque encore un peu de consistance comme de profondeur. Tomber franchement dans le délire décalé genre Pierre La Police ? On n'y est pas encore, même si on frôle ce genre "d'extrêmes" par instants ("Et pourquoi la bite de Lash se met en tire-bouchon dans son calbut ?" : voilà une question qui mérite d'être posée, non ?). Pour le moment, Joe Daly reste un peu flottant entre tous ces "scénarios". Il va falloir poursuivre le jeu de rôle avec lui pour avoir des réponses… Ou pas.