T
andis qu’Orgon, toujours aveugle, ne se lasse pas d’admirer Tartuffe qui sera bientôt son gendre, Damis peste contre cet importun qui reçoit les grâces de son père, Marianne se lamente sur un mariage qu’elle refuse et Dorine s’ingénie à rassurer tout le monde. Quant au gras dévot, fort de son ascendant, il entreprend de courtiser la maîtresse de maison, venue intercéder pour annuler l’union projetée. Elmire, tout en douceur et fermeté, l’éconduit. Mais Damis, témoin caché de la scène, entreprend aussitôt de discréditer Tartuffe auprès d’Orgon. Ne voulant rien entendre, ce dernier déshérite et renvoie son fils puis supplie son protégé, jouant les pécheurs repentants, de rester. Voyant que les avertissements de son frère Cléante et les suppliques de Marianne sont restés sans effet, l’épouse décide de dessiller les yeux de son trop crédule mari...
Un an après le premier opus, voici la deuxième partie de cette adaptation en bande dessinée d’une des plus célèbres, et controversées, pièces de Molière : Tartuffe, ou l’Imposteur, dont elle reprend, ici, les actes III et IV. Respectant l’œuvre à la lettre, Fred Duval (Carmen Mc Callum, Travis, Hauteville House) ménage une entrée bien sentie au personnage central qui n’était jusqu’alors apparu que fugacement, lors de retours en arrière appuyant les propos des autres protagonistes à son encontre. Dès lors, l’intrigue prend un tour un peu plus vif et s’achemine sans coup férir vers son point culminant après quelques péripéties qui voient le malhonnête parasite tomber le masque un instant, puis faire preuve d’un grand talent pour se sortir d’affaire. Pour pallier la dynamique défaillante d’une version au format BD, et donner l’impression d’un jeu scénique, le dessin de Zanzim (La sirène des pompiers, Les yeux verts) s’ingénie à rendre vivants et éloquents bons mots, répliques célèbres et ressentis des protagonistes. Ainsi, le sein que le faux dévot ne saurait voir fait l’objet de longs et expressifs regards en biais. Les longs échanges entre Tartuffe et Elmire, puis celle-ci et Orgon s’accompagnent d’une mise en scène visuelle empruntant les chemins du rêve comme ceux du désir. Le premier entraîne les interlocuteurs dans un monde fantasmé, véritable Jardin des Délices, imaginé par l’imposteur et s’étiolant au fil des rebuffades de la belle épouse. Le second montre comment Elmire enrubanne – au propre (graphiquement) comme au figuré – si bien son mari qu’elle parvient, en fin d’album, à le convaincre d’épier une de ses rencontres avec Tartuffe. Les plaisirs de la vue et du verbe se joignent donc de façon réussie et c’est sans doute ce qu’on retiendra de cette version.
Une agréable redécouverte d'un incontournable du théâtre.
Poster un avis sur cet album