T
out le monde connait George Sprott, le célèbre aventurier-animateur de la télévision. Pendant plus de quarante ans, il a fait rêver petits et grands en leur racontant ses diverses expéditions dans le grand Nord. Au crépuscule de sa vie, voici un petit retour en arrière sur une existence bien remplie.
Le passé et une fascination avouée pour des époques qu’il n’a pas - ou très peu - connues, ont toujours été au cœur des albums de Seth. George Sprott ne déroge pas à la règle. L’auteur de La vie est belle, malgré tout se penche à nouveau, avec une certaine nostalgie, sur l’évolution et les transformations de la société durant le XXème siècle.
Les derniers instants de George Sprott, racontés très minutieusement, sont entrecoupés par différentes anecdotes et autres témoignages variés à propos de son passé. Seth réutilise et améliore, avec beaucoup de brio, la narration éclatée, presque déconstructive, déjà utilisée dans le très sympathique Wimbledon Green. Ce livre s'approche de la même manière que pour une mosaïque, chaque page amène un petite pièce d’information, pour finir par former une grande image riche et passionnante. Le tour de force provient également de la profondeur des personnages. Derrière la façade médiatique, se cachent différentes tragédies, ainsi qu’une multitude de petits et grands secrets qu’Orson Welles lui-même n’aurait pas reniés.
Seth, également maquettiste de la magistrale intégrale des Peanuts, s’est particulièrement investi dans la réalisation physique de son nouvel album. Chaque détail de cet imposant volume résulte de l’exigence et du jusqu'au-boutisme artistique de l’auteur : papier épais, dos toilé, pages de garde en papier glacés, grandes illustrations couleurs jouant un peu le rôle des hors-texte des livres anciens et design art-déco de la couverture. L’adéquation entre le scénario et le dessin est souvent associée à un signe de qualité. Dans le cas présent, "l'artiste-designer" a poussé cette adéquation un cran plus loin, en associant la forme même du livre à son contenu !
À partir d’un sujet qui pourrait sembler un peu rébarbatif, Seth réalise avec George Sprott un album majeur qui vaut largement son prix un peu élevé.
Sur le même sujet :
La prépublication complète de l'album dans les pages du New-York Times,
la chronique de D. Lemétayer à propos de La vie est belle malgré tout,
la chronique de Léga à propos de La vie est belle malgré tout,
la chronique de Léga à propos de Wimbledon Green,
la chronique de Moatthieu à propos de Le comis voyageur.
Ce livre ne se lit pas, il se regarde.
Il y a tout d'abord Seth, l'artiste complet et unique en son genre.
Il y a l'éditeur Delcourt qui a pris un risque énorme pour la réalisation de l'ouvrage. C'est un vrai éditeur capable de savoir que ce genre de livre est invendable sauf pour les amateurs d'art contemporain.
Il y a l'imprimeur / Façonnier qui a dû s'arracher les cheveux lorsque Delcourt a fait sa demande : impression de la couverture gaufrée et imprimée avec deux encres alu, le format du livre, il faut avoir les machines pour, les temps de séchage infinis sur un tel papier, le quadriptyque à insérer vers la fin de l'ouvrage, le bandeau blanc en quatrième de couverture etc etc ...
Mais comment ces trois entités ont elles communiqué pour se comprendre ? Et réaliser si bien fagoté, un "objet" si surprenant.
Bravo l'artiste, l'éditeur, l'imprimeur pour nous donner en 2009, des albums que l'on ne réalisait plus que dans les années 1930