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Ma vie, mon œuvre, mon cul ! Volume 3

30/09/2004 13702 visiteurs 8.0/10 (1 note)

S a vie, son œuvre, son cul, le titre ne ment pas ! Dans cet ouvrage Siné se livre sans réserve à une relation bio-artistico-sexuelle de son parcours, sous forme de récit manuscrit mis en image. Siné vous le connaissez forcément, ne serait-ce que pour ses chats qui rencontrèrent un succès phénoménal dans les années cinquante. C’est justement de leur genèse qu’il sera question dans ce troisième volume de sa biographie dessinée.

Les lecteurs de Charlie Hebdo, journal qui publia initialement cet ouvrage, sont coutumiers de la verve de Siné. Sans doute savent-ils que ce dessinateur est, pour beaucoup, une sorte de « grand frère »: ses têtes de turcs qui s’incarnent dans la trilogie « Armée, Église, Patrie », bien avant la libération des mœurs qui suivit Mai 68, il osait déjà les défier, s'en prenant aux convenances, attaquant la religion et dénonçant la torture en Algérie…

Nous sommes en 1953, Siné, alors âgé de vingt-cinq ans travaille avec bonheur pour la publicité. Mais ce qui le « travaille » véritablement, c’est l’idée de réaliser dans le dessin d’humour -son domaine de prédilection- une œuvre subversive qui ferait de lui l’égal des grands tels que Bosc, Tetsu ou Chaval… L’auteur se dépeint ainsi sous les traits d’un jeune homme à l’ego surdimensionné qui aspire à devenir coûte que coûte un trublion. Ses ambitions un poil obsessionnelles (gagner de l’argent, devenir célèbre et foutre le souk), ont guidé sa vie.

Au fil de ces pages truculentes, on découvre l’homme dans son enthousiasme communicatif comme dans son autosatisfaction agaçante. Oh, Siné ne se prend pas pour un grand écrivain mémorialiste. Ce n’est pas de la grande littérature malgré quelques trouvailles fort amusantes, telle cette scène où l’auteur honore sa compagne dans une église désaffectée: Je garde encore un souvenir ému des frénétiques et hérétiques moments érotiques vécus dans cet inhabituel autel de passe. Siné s’adresse à nous simplement, sur le mode de la confidence. C’est toute un époque qui ressurgit sous nos yeux quand il raconte ses coups d’éclats (comme son passage fracassant à l’Express, son procès pour outrage à l’armée), ses combats (contre la guerre d’Algérie). Il est émouvant enfin, quand il évoque ses amis (Jacques Prévert, Jean Genet) ou quand il relate l’attaque cérébrale de son père.

Curieusement, la renommée viendra d’une création fort peu provocatrice, celle de ses fameux félins déclinés en forme de « chat-rade ». Vous avez compris le principe ? L’idée lui en vint un soir qu’il revenait d’un repas que donnait l’artiste Leonor Fini, grande amie des chats. Pour la remercier à peu de frais de son invitation, il lui envoya une série de dessins basés sur des jeux de mots comportant « chat ». La formule connut un tel succès qu’il en fit presque une industrie. On rencontrait ses chats un peu partout, sous l'aspect de cartes postales, de boites d’allumettes… Ils connurent même une adaptation en anglais. Un succès auquel Siné voulut mettre un frein en salopant son blason doré pour ne pas virer fissa dans le sympa, ce qu’il fit illico en publiant un recueil de dessins d’humour (très) noir. Le livre s’achève en 1960 sur une évocation du retentissant procès pour « atteinte à la sûreté de l’État » fait à un groupe d’intellectuels, au plus fort de la guerre d’Algérie.

Il est touchant qu’un homme de cet âge ait conservé intacte la fraîcheur de ses jeunes années. Sans doute est-ce là le secret de sa réussite : agir toujours en sale garnement jouisseur et talentueux. Avec cet ouvrage, Siné nous donne généreusement à croquer un morceau d’une belle vie bien remplie.

Par Pierre
Moyenne des chroniqueurs
8.0

Informations sur l'album

Ma vie, mon œuvre, mon cul !
Volume 3

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