D
es trajectoires qui n’ont pas grand-chose en commun, si ce n’est le conflit qui les oppose. Côté israélien, l’auteur, Ronny, insouciant dans sa manière d’être et exigeant dans ses attentes. Avec lui, celle qui partage sa vie, Michal, excessive et engoncée dans ses peurs. En parallèle, côté palestinien, Fahad, manipulé pour la cause. Cette journée commence par une anecdote pour le jeune couple ; pour Fahad, elle est celle d’un destin à accomplir.
Ce qui est saisissant, dès les premières pages, tant pour ce qui est de l’apparence que pour ce qui est du contenu, c’est ce sentiment d’une confrontation des extrêmes. Concernant l’apparence, cela transparait tant dans l’agencement intrinsèque des planches, tantôt organisé, tantôt en proie au plus grand désordre, que dans l’écriture du texte, en script ou cursive. Le graphisme ne déroge pas à la règle, et alterne un trait frontalement brouillon avec des séquences adoucies au lavis. Concernant le contenu, les contrastes sont tout aussi palpables, entre, d’un côté, un goût prononcé pour le confort, voire plus si possible, et de l’autre, une existence conditionnée et contrainte. Pour autant, l’auteur s’abstient d’appliquer telle ou telle option graphique à telle ou telle partie prenante. Cela accentue clairement la confusion ambiante et participe à cette impression que tout est lié - ce qui n’est sans doute pas tout à fait faux - et se marie assez bien avec l’idée générale développée.
Pareil contexte ne peut que difficilement se départir de son aspect politique, d'autant que Ronny Edry vit actuellement in situ après avoir passé une partie de son existence sur le sol français. Cependant, en forçant le trait pour décrire certains excès de part et d’autre, il verse dans une dérive un peu grossière. Passant en revue les méthodes terroristes pour conditionner ses ouailles - mais pourquoi pas -, il s’en tient à des considérations bien plus légères côté israélien. Cette différence de traitement est assez palpable, d’autant que Fahad et son maître à penser sont représentés de bien peu glorieuse manière, le premier faisant penser à un demeuré, le second à un salopard de la pire espèce. Était-ce l’intention première ? Parce qu’une autre lecture consiste aussi à s’intéresser au parcours de Fahad, et notamment à sa confrontation avec une civilisation dont il prend conscience qu’il ignore tout, ce qui ne va pas sans bousculer des certitudes forgées au sein d'un entourage replié sur lui-même. Pour autant, était-il nécessaire pour mettre en lumière cet instant de doute de forcer à ce point la caricature ? C’est discutable. Traité avec une certaine empathie de la part de Ronny Edry, cet aspect du récit est certainement le plus intéressant.
Bande dessinée atypique, Le doigt de Dieu (le pouce) aborde par l’anecdote le conflit israélo-palestinien. Complexe par la forme, mais intelligible dans l’absolu, cet album pêche par un manque de pondération sur certains sujets, ce qui nuit à l’ensemble. Dommage, parce que l’auteur ne manque pas de sensibilité pour évoquer certains mécanismes de la pensée humaine.
Intéressante cette bd qui raconte la vie parallèle et pourtant diamétralement différente d'un israélien et d'un palestinien qui va finir par se croiser mais pas se comprendre.
Et déconcertante par son traitement foutraque, pas attirant pour deux sous, mais raccord avec la force du récit et son absurdité. À mon avis tristement réaliste quant à l'incapacité de se comprendre, et de la vision caricaturale de l'un sur l'autre.
Un témoignage à découvrir.