D
rôle d'album qui sort incontestablement du lot et se situe au carrefour de plusieurs genres pour éviter de se transformer en pensum ou en manifeste. Transformation ?
2011 : la grande mutation a commencé ! Les décideurs, petits et grands, se métamorphosent en animaux, petits et grands probablement mais on doute que l'échelle soit respectée. A l'origine de ce phénomène, un homme de grande taille à barbe blanche, vêtu de rouge, prénommé Noël. S'il n'était pas d'origine africaine... C'est cette « conscience » du monde que trois figures de la télé ont décidé d'aller interviewer dans sa retraire himalayenne pour mieux connaître ses desseins.
Himalaya vaudou commence comme un récit plutôt humoristique. Sur des pentes neigeuses et glacées, un jeune tête à claques du PAF, supporté par ses deux compagnons au patronymes et physiques pas si éloignés de PPDA et de Nicolas Hulot, cabotine pendant que le narrateur définit le contexte. Petite diversion : inviter à sourire en introduisant le sujet, les faits qui ébranlent le monde et la personnalité de celui qui apparaît à la fois comme une menace et une figure rassurante pour l'humanité. Plus tard, le discours du prédicateur – manipulateur assène des vérités sur un mode qui oscille entre le ton du gourou et la sagesse du prophète. Face à lui, la figure médiatique écolo, d'ordinaire résolue à changer le comportement de ses compatriotes et qui ne doit pas manquer de leur faire savoir à chacune de ses interventions publiques, se fait hésitante face à la radicalité de son interlocuteur. Jusqu'à devenir la voix du citoyen du monde lambda, frileux et indécis.
Il y a de la fable dans ce récit, sans aucun doute. L'humour s'invite pour alléger le propos lorsqu'il est par trop solennel, et l'expert devient candide ou tout du moins réservé lorsqu'il constate que les préceptes auxquels il adhère pourtant sont poussés à leur extrême. Un bon moyen de dresser un état des lieux, d'énoncer quelques vérités, de mettre en garde en annonçant la fin précipitée d'une époque. Oui, mais en brandissant quelques pancartes « éh oh on n'oublie pas de rigoler aussi », « notez ça dans un coin, j'botte le derrière de votre conscience mais veillons à ne va pas trop en faire ». Comme si un œil était rivé sur sur la balance pour éviter que la balance penche trop d'un côté.
Idem pour le dessin. Environnement magistral (montagne, brousse, jungle, salle des poupées), animaux saisissants (le gorille "2001esque"), patriarche imposant, serein et menaçant selon les circonstances :autant d'éléments qui dominent et qui s'imposent à de petits bonshommes aux tronches ahuries et dénotent au point d'apparaître comme de franches erreurs de casting. Démarche volontaire. Question contraste, dichotomie poussée dans le rouge : dessinateur et scénariste sont à l'unisson.
Oui mais... Et le lecteur ? Une affaire de sensibilité sans doute. Élève docile prêt à recevoir la leçon ? Esprit ouvert qui suit l'exposé avec le recul que lui suggère la forme ? Sceptique réfractaire à l'idée de souscrire à une morale annoncée sur un rythme d' « un pas en avant, un pas de côté » et qui bout intérieurement en marmonnant "bon sang, faut-il vraiment y aller avec ces pincettes " ? La valse hésitation risque de durer une grande partie de la centaine de pages que compte l'album. Jusqu'à son dernier mouvement qui devrait mettre tout le monde d'accord. Clair, net et surtout direct. Plus de comédie, plus besoin d'emballer le message dans du papier-tract, au profit de la force romanesque. Ça valait la peine d'attendre.
Que faire quand on déteste une bd dès les premières pages ? Eh bien, il faut se forcer à la lire même si elle comporte 110 pages ! C'est vrai que commence alors un long calvaire digne d'une violence inouie faite à soi-même. Mon côté masochiste a quand même ses limites.
Autant, je peux aimer dès les premières pages une oeuvre, autant je peux la mépriser lorsqu'elle ne m'apporte pas tous les bienfaits que j'attends d'une bd.
En gros, je ne suis pas entré dans l'histoire que j'ai trouvée assez saugrenue avec un graphisme repoussant ce qui était la cerise sur le gâteau. L'épuration des traits a également ses limites...
Maintenant, je ne vais pas faire mon méchant. Je n'ai pas aimé : c'est tout. Il n'y a plus rien à ajouter. Ceci dit, je ne repousse pas le message écologique sur le devenir de notre planète : loin de là. Simplement, cette histoire a eu du mal à me donner des émotions.
A contrario de L. Cirade, je ne pose pas autant de questions. J'ai acheté cet album pour son aspect graphique incroyable : la haute montagne, les couleurs...
J'ai complètement et littéralement craqué pour ces aquarelles profondes (pages 14 et autres) qui décrivent cette montagne que j'aime tant. Merci Rochette !
Oui c'est une fable, qui a tendance à préserver N. Hulot, et alors ?! :-) les auteurs on raison.
Ce bloc de 100 pages est un petit chef d'œuvre que je vais garder longtemps, relire et surtout RE-GAR-DER encore une fois.
A lire avec envie et ouverture d'esprit