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scar Lehmann est un bon père de famille et un employé consciencieux, du moins en apparence. Atteint d’un cancer, sans aucun espoir de guérison, il en a marre de marcher droit et cherche à s’évader de cette vie remplie d’hypocrisie et de faux-semblants. Face au miroir de la mort il découvre un loser, invisible aux yeux d’une femme qui le trompe régulièrement et transparent pour des filles qui ne le respectent plus. Rongé par le cancer et par le reflet de cette image qu’il a délibérément construite à l’opposé de celle de son père, il décide de régler ses comptes avec une existence dont il a été trop souvent le spectateur et de goûter pleinement aux plaisirs qu’il s’est toujours interdit. L’heure est au bilan … et il n’a rien de vraiment réjouissant !
Tout comme Gilles Larher dans L'accablante apathie des dimanches à rosbif, Hervé Bourhis et Christophe Conty invitent à prendre un malade en phase terminale par la main et à l’accompagner durant les derniers moments de sa vie. Mais, au-delà de l'histoire d'un type qui s'apprête à mourir, le lecteur assiste à la renaissance d’un homme qui, en tentant de ne pas devenir comme son père, a fini par complètement rater sa vie. Si le postulat de départ n’a rien de neuf et promet un dénouement inéluctable et sans trop de surprise, le compte à rebours frappant cet individu qui n’a plus que quelques mois pour donner un sens et une conclusion à sa non-existence, donne lieu à un récit très humain qui invite à saisir l’instant présent. A l’instar du lieutenant colonel Frank Slade (Al Pacino) dans Scent of a Woman, Oscar Lehmann va pleinement vivre ses derniers instants, tout en gardant à portée de main ce fusil qui lui permettra de mettre fin à une existence devenue triste et morose.
Côté dessin, le style et la colorisation aux tons sépia de Christian Durieux apportent beaucoup de douceur et de mélancolie au scénario, alors que des touches de couleurs plus vives mettent en valeur plusieurs détails de manière très pertinente. C’est également avec un certain brio et toujours avec la même justesse que l’auteur alterne des planches pourvues d’une narration fluide et prenante à des scènes muettes, souvent touchantes.
N’attendez pas demain pour prendre le temps de vivre !
Cette bd est un roman graphique qui part d'une idée de base toute simple : qu'est-ce que pourrait faire un homme qui se sait condamné par le cancer sans espoir de guérison ? Regretterait-il ses choix de vie comme père de famille tranquille et employé modèle ? Irait-il au fond de ce qu'il n'a jamais pu réaliser, par exemple des fantasmes inassouvis, ou passerait-il simplement du temps avec ses filles ? Ou bien commettrait-il des actes hautement répréhensibles motivés par la jalousie et la rancoeur ? C'est l'heure du bilan ! Cela nous renvoie également à nos propres interrogations sur le déroulement de notre vie et des choix qu'on opère.
Sans vouloir dévoiler le fin mot de l'histoire, je dirai que je n'ai pas été convaincu par la direction prise. Cela laisse un goût amer et beaucoup de mélancolie. Ce n'est sans doute pas le genre de lecture qui m'apporte du bien-être. A quoi bon alors ? C'est clair que les auteurs ont évité l'écueil du mille fois déjà vu. Pour les amateurs de ce genre de récit triste et morose mais mené avec un certain brio. On aura tout de même compris qu'il faut prendre le temps pour vivre !
Un jour ou l’autre, nous nous sommes tous posés cette question: « Et si je n’avais plus que 6 mois à vivre… qu’en ferais-je ? ».
Christian Durieux, Christophe Conty et Hervé Bourhis ont évité l’écueil de la banalité et du lieu commun. Ils nous livrent, ici, un ouvrage tout en simplicité, en sensibilité et en amertume qui nous renvoie à nos propres interrogations.