L
a couverture est un beau condensé « tergalien ». Tout d’abord le Jean-Claude, la main dans une pose suggestive, arborant cet air satisfait de celui qui ne doute de rien. Sacré Jean-Claude ! La grandeur et la décadence que pourraient évoquer les tons roses de la chambre ne tromperont pas l’œil averti qui ne manquera pas de relever ces quelques détails qui brisent le mythe. Outre l’étroitesse du lit à structure métallique - comme une petite ambiance de caserne - , il convient de s’attarder sur le contenu des deux plateaux repas déposés sur le lit, sur lesquels le champagne côtoie la banane. La grande classe !
C’est toujours sympa de retrouver un vieux copain ; l’occasion d’évoquer ces instants qui ont permis à cette connivence de se construire. C’est donc logiquement que Nous deux, moins toi débute par un vibrant et lapidaire « Je te quitte connard », replongeant immédiatement le lecteur dans les premiers pas du sieur Tergal dans sa vie couchée sur papier. Enfin presque, parce que dans cette révision de l’Histoire, le « connard » a été gommé... Jouant ainsi avec le passé, et cassant les mythes installés (le téléphone sonne !), Didier Tronchet refaçonne quelque peu la genèse de son personnage, atténuant son côté loser patenté. Non pas que Jean-Claude n’apparaisse pas en mauvaise posture à l’occasion, loin s’en faut, mais comme s’il y avait cette volonté de corriger, de réparer, certaines choses. L’auteur revendique là, plus que jamais, le rapport très intime qu’il entretient avec son personnage et lui offre les armes de sa rébellion. La réhabilitation serait-elle en cours ? L’idée est bonne et, de deux choses l’une, soit elle offre une conclusion non dénuée d’un certain panache à cette série, soit elle lui redonne cette impulsion nécessaire à la relancer, celle-là même qui faisait défaut au huitième tome paru il y a cinq ans.
Nous deux, moins toi marque donc un tournant : le contenu gagne en profondeur sans pour autant se départir de son potentiel humoristique, nonobstant une mécanique du gag à la mitraillette quelque peu enrayée au passage. La lecture n’en est pas moins rythmée, la narration fonctionnant sous forme de saynètes qui s’enchaînent sans mal, et qui, misent bout à bout, forment un tout cohérent. L’environnement de Jean-Claude évolue au fur et à mesure de la lecture vers une tonalité plus nuancée et moins frontale qu’à l’accoutumé, qui n’est pas sans faire écho aux trop rares instants de grâce partagés avec la « petite » Anne. Souvenirs...
Didier Tronchet confirme encore une fois cette étonnante faculté à mêler le burlesque et le touchant avec talent, voire son incapacité à dissocier les deux !
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