L
a mondialisation est partout. Les éditeurs font imprimer leurs albums à travers le monde et voilà que les collaborations entre auteurs dépassent les continents. Après une rencontre lors du festival d’Angoulême (qui pensent toujours que les festivals ne se résument qu’aux seules séances de dédicaces ?), Eric Corbeyran et le coréen Byun Byun Jun avaient sympathisé. Quelques années plus tard, naît un album mêlant prose de Guy de Maupassant et station balnéaire coréenne.
Première Neige reprend très fidèlement la trame d’une nouvelle de Guy de Maupassant parue en 1883. Corbeyran a modernisé ce texte et l'a adapté à l’époque actuelle. Une jeune femme – son nom n’est jamais prononcé – nouvellement mariée à un homme qu'elle n'a pas vraiment pris le temps de connaître, sombre peu à peu dans la mélancolie et la dépression. Mi-étude de cas, mi-journal intime, le lecteur est témoin de la lente spirale dans laquelle l’héroïne s’est enfermée.
L’auteur de Lie de vin a conçu son récit sous la forme d’un long monologue, cette description minutieuse des états d’âme de l’héroïne est très bien construite. D’un naturel renfermé et souffrant d’une timidité maladive, cette jeune femme se laisse, sans que ses proches interviennent, glisser peu à peu vers le désespoir et la fatalité. Peut-être à cause de la distance avec son collaborateur, d'échanges limités car effectués via une interprète ou par respect pour le texte d’origine, Corbeyran a tendance à être un peu trop bavard. Les nombreux récitatifs – parfois un peu dur à déchiffrer et au lettrage informatique bien froid – « cassent » le rythme de la lecture. Mis à part ce défaut, la progression narrative est impeccable : de la mise en abîme des premières pages jusqu'à la conclusion tragique.
Byun Byun Jun (Cours, Bong-Gu !, Mijeong, disponibles chez Kana) jouit déjà d’une grande renommée dans son pays et au Japon. Il a été le récipiendaire de nombreux prix qui lui on permit d’être invité au Festival d’Angoulême. Son style quasi-impressionniste est parfaitement adapté au ton du récit. Cette approche pointilliste du dessin, en plus d’être un hommage involontaire aux peintres du célèbre mouvement de la fin du XIXe siècle, place directement le lecteur à la place de la narratrice. Son errance dans ce monde flou, aux couleurs fuyantes et rempli de silhouettes mal définies permet vraiment de comprendre l’évolution de sa psyché. Malheureusement, les descriptifs ne laissent place qu’à de trop rares passages muets. Ces scènes sont de loin les plus fortes de l’album.
La « narration graphique », qu’on l’appelle BD, comics, manga ou manhwa est un langage vraiment universel. Né d’une collaboration au long cours, Première Neige en est le parfait exemple !
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Le texte original de Première Neige par Guy de Maupassant
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