A
u large des côtes de Floride, un trône d’or enfoui au fond de l’océan suscite toutes les convoitises. Les bateaux de pirates tentent les uns après les autres de mettre la main sur le trésor d’une flotte espagnole engloutie par les eaux. Le capitaine qui réussit finalement à récupérer le butin est un homme usé par des années de combats et de navigation, lassé d’être devenu le jouet de commanditaires peu scrupuleux. Ses interrogations existentielles cessent brusquement quand son navire est attaqué par une bande de flibustiers avec à sa tête, une "piratesse". La maîtresse femme parvient à dérober le trône et à s’enfuir. Blessé dans son orgueil, le capitaine lance alors une course poursuite à travers l’océan pour tenter de récupérer non seulement son trophée mais également son honneur.
L’Ile au poulailler est un drôle de nom pour une histoire de corsaires. S’il faut attendre la fin de l’album pour voir apparaître un début d’explication, un brin d’imagination permet néanmoins de voir dans ce titre une évocation d’un véritable combat de coqs. La fatigue d’un marin, un équipage au bord de la mutinerie, une femme comme élément déclencheur : le décor est planté. Bien loin des récits épiques tels que Long John Silver ou Canoë Bay mais à mille lieux également du comique de Ratafia ou de Rosco le Rouge, l’ouvrage de Laureline Mattiussi s’apparente beaucoup plus à un opéra baroque. Aux affrontements sanglants succèdent des scènes de copulation bestiale, tandis que le capitaine soliloque avec un squelette comme unique témoin. Ce fatras s’organise cependant au fil des pages jusqu'à un final pour le moins surprenant.
L’auteure signe avec L’Ile au poulailler son deuxième album après Petites hontes enfantines. Si son style fait immédiatement penser à celui de Christophe Blain dans Isaac le Pirate, elle réussit néanmoins à imposer sa touche personnelle. Les traits de ses personnages sont exagérés, les nez trop longs, les visages excessivement allongés, avec un résultat proche de la caricature. Le grammage élevé du papier atténue les couleurs, à dominance bleue et ocre, donnant à l’ensemble un côté vieillot, digne de vieux parchemins.
La qualité de ce premier tome incite fortement à jeter un œil plus qu’attentif à la sortie du deuxième, devant servir d’épilogue à l’histoire. Tout en étant à peu près certain de ne pas y perdre trop de plumes.
== Avis pour les deux tomes ==
Une histoire de pirates graphiquement particulière. Le premier tome, affublé d'un bel éloge de Pierre Dubois en préface, est plutôt bon. Abordages, sabordages, mutineries -- c'est un cocktail de boucaniers assez classique avec comme différence que l'un des capitaines de bateau est une femme. C'est une belle aventure en mer.
Par contre, le tome deux vient brouiller les cartes. Mattiussi ne semble plus trop savoir comment développer son histoire et l'album se termine d'ailleurs de manière assez abrupte, en plus de passer plusieurs pages sur une sorte d'hallucination (?) collective de nos personnages.
Dommage. Le potentiel était là, mais on reste un peu sur sa faim.