L
e jour, jouant de son verbe croustillant, il séduit les dames de la haute sous les traits du galant Saint-Germain. La nuit, masqué, botté, capé, il devient « Babillard », l’insaisissable pie voleuse de bijoux. Et pas n’importe quels cailloux brillants ! Seulement les plus beaux, les plus rares, ceux qui doivent aider le savant alchimiste Goupil, maître ès potions miraculeuses, à mener son grand œuvre. Pourtant le sémillant gentilhomme est las de jouer les barboteurs volants pour de trop maigres résultats. Quand l’occasion lui est donnée par Louis XV en personne d’accomplir un coup d’éclat et de remporter le « Régent », inestimable joyau de la Couronne, Saint-Germain n’hésite pas. Il est fin prêt – ou presque – à désenfler le maréchal de Saxe qui boursouffle sous sa tente aux confins du Royaume, là où la guerre en dentelles fait rage. Nul ne se doute qu’ailleurs de mystérieux observateurs se régalent de ce petit jeu…
Un peu de Casanova, un rien du Baron de Münchausen, un zeste de héros croisant Voltaire et Marivaux : voilà campé le Comte de Saint-Germain, insolent impénitent, aimant les jolies courbes, maniant l’épée avec nonchalance et les mots avec brio. Héros sympathique et charismatique, il emporte rapidement les suffrages – et les cœurs – et confère un parfum suave et particulier à la nouvelle série développée par Thierry Gloris (Codex angélique, Souvenirs d'un elficoloque, Waterloo 1911) à partir d’une idée de Jean-François Bergeron.
L’histoire se déroule dans ce fameux siècle des Lumières si riche et si plaisant, à cette époque où le libre-penseur disait tout haut ce que d’autres pensaient tout bas, où les espions portaient parfois jupons – rappelons-nous le chevalier d’Eon – et où les favorites régnaient sur le Roi autant que sur la France. De cette période unique, le scénariste reprend l’esprit, voire la lettre pour livrer un récit bien mené, enlevé et rythmé. Il y glisse une touche d’humour léger, toujours très à propos, ainsi qu’un soupçon de théâtralité bienvenue qui laisse l’impression d’assister à quelque pièce savoureuse et distrayante. Dans ce sautillant premier tome riche en rebondissements, étrangeté, mystères et alchimie sont également de la partie, qu’ils viennent agréablement pimenter en suscitant la curiosité. L’intervention – pour l’instant lointaine – de personnages lunaires, fardés, poudrés et emperruqués, fait office de « deus quasi in machina » et rappelle tout à la fois les fantastiques aventures de Cyrano, celles des héros de De Cape et de Crocs dans les derniers tomes, ainsi que le jeu céleste des divinités olympiennes, lorgnant et s’ingérant dans les affaires humaines.
Ce premier épisode est merveilleusement accompagné par le dessin dynamique de J.-F. Bergeron qui allie harmonieusement un découpage énergique faisant la part belle à l’action, un trait plein de style et de charme ainsi que le rendu accrocheur d’une atmosphère très romanesque qui colle parfaitement à l’histoire. Il met l’accent sur l’expressivité souvent hardie et truculente des personnages qui prennent vie et s’élancent avec passion sous son crayon. Sa mise en couleurs chatoyante crée une ambiance attirante et chaleureuse, toujours en adéquation avec la narration. Même les scènes plus sombres, nocturnes ou de champs de bataille séduisent l’œil par leur réalisme et leur vigueur. Quelques détails amusants, enfin, ne manquent pas de faire sourire.
Ce Comte des Lumières est une lecture jouissive qui associe avec bonheur un verbe goûteux à un graphisme nerveux, les deux faisant mouche rapidement. Touché, Messieurs les auteurs !
Avis sur le diptyque:
C'est la prochaine bd qu'il faut que j'achète absolument ! Sa lecture a été comme un enchantement. Le dessin est quasi-magnifique avec un luxe de détails et des personnages hauts en couleurs. Les dialogues sont véritablement exquis.
Le scénario est signé par un auteur Thierry Gloris que j'avais déjà remarqué dans Le Codex angélique auquel j'ai mis la note culte. Il y a des auteurs où dès la première lecture, on se dit qu'ils vont marquer la bande dessinée. Cette oeuvre souligne le talent absolu.
Comme pour Le Codex angélique, je vais attendre la suite pour accorder la note culte. C'est 4.5 étoiles assuré ! Il y a également une touche de fantastique dans Saint-Germain puisqu'il est question d'alchimie. Pour autant, le récit est ancré dans une réalité historique : celui du règne de Louis XV.
Une lecture qui s'avère être un vrai régal ... Une réussite parfaite... Une belle entrée en matière... Vivement la suite des aventures du Comte le plus anticonformiste !
Et ce second tome vient confirmer tout le bien que je pense de cette série. Le dessin est vraiment top: quel régal de pouvoir contempler les magnifiques paysages vénitiens. Le ton est résolument enlevé. C'est de la bd de grande qualité !
Un bémol cependant: il y a eu un astérisque qui ne renvoie à rien par simple oubli tout simplement. Cette maladresse aurait pu être évitée par simple relecture avant édition !
Note Dessin : 4.5/5 – Note Scénario : 4/5 – Note Globale : 4.25/5
Il y a longtemps que je ne m'étais pas autant amusée à la lecture d'un album. Ici, on se trouve en haute voltige. Des intrigues, de l'alchimie, des bons et des méchants, un fin dessin, tout est en place pour instaurer une grande série et démystifier, fiction ou non, le comte de St-Germain, personnage on ne peut plus mystérieux. Vitement la suite. En espérant que cet or brut ne va pas se métamorphoser indignement en vil métal.
Superbe album, on est dans l'historique, et tout autant dans le fantastique. Le dessin est précis, le trait assuré, les couleurs mettant en relief le travail du dessinateur. Et le scénario est on ne peut plus réussi. Humour, beau verbe, personnages attachants, et une fin étonnante qui donne diablement envie de lire la suite qui on l'espère verra rapidement le jour. Très très chaudement recommandé. Bergeron et Gloris est un duo qui a très certainement un bel avenir.