D
es cigarettes et du whisky pour toute médication, un débriefing dans l’une des planques du MI5 à la suite de troubles événements survenus en Arabie saoudite et auxquels Tara Chace, un temps lâchée par sa hiérarchie, était mêlée. Puis, une nouvelle mission… de routine : assassiner le chef de file du gouvernement provisoire irakien pour le compte de la CIA, à l’insu du Pentagone et du 10, Downing Street.
C’est de manière magistrale que Opération : Red Panda vient – provisoirement – clore la série d’espionnage Queen & Country. Les éléments qui ont fait le succès de la saga de Greg Rucka y sont une fois encore réunis. Des guerres asymétriques aux rivalités d’officine, le scénariste brosse, avec un réalisme saisissant, une intrigue géopolitique d’une actualité brûlante et troublée. A la confusion des repères sur la scène internationale s'ajoute celle des protagonistes. Queen & Country, c’est ainsi des personnages sacrifiés sur l’autel de la sûreté publique et dont Rucka livre une représentation sans fard. A l'image de Tara Chace qui ne sait plus à qui se confier ou à quoi se raccrocher. De fait, personne ne s’intéresse vraiment à son bien-être, seuls comptent ses états de service et son aptitude à mener à bien la mission qui lui a été confiée. Tara est une arme dont la vie personnelle s’est progressivement enrayée.
Quant à ce dernier théâtre des opérations, c’est sans doute le plus symbolique, celui de l’effondrement d’un État sous les effets conjugués de la pauvreté, des tensions religieuses, des embargos, de la maladie et de la guerre civile : un véritable cocktail explosif. L’Irak est au cœur de la nouvelle doxa antiterroriste post 11 septembre, à l'épicentre de toutes les manipulations politiques. Ce territoire dévasté, c’est la terre promise de la guerre contre la peur et les États voyous ; c’est celle des prétendues preuves de la présence d’armes de destruction massive, celle des enlèvements, des affrontements entre sunnites et chiites, des assassinats ciblés, mais aussi de l’avènement d’un nouveau mercenariat qui, à l'instar de Blackwater, se partage désormais, aux côtés des forces armées régulières, entre « sociétés militaires privées » et autres « prestataires privés de services à caractère militaire et de sécurité ».
Cette conclusion en forme d’apothéose est servie par le très classieux dessin de Chris Samnee (Capote in Kansas), dont les cadrages cinématographiques et le jeu tout en ombre et lumière font des merveilles. Un sans faute, si ce n'est un regret, celui que les romans A Gentleman’s Game et Private Wars, entre lesquels s’insère l’album, n’aient pas encore été traduits...
Dans la série Queen & Country :
» La chronique du deuxième tome : Opération : Crystal Ball
» La chronique du troisième tome : Opération : Blackwall
» La chronique du quatrième tome : Opération : Storm Front
» La chronique du cinquième tome : Opération : Dandelion
» La chronique du sixième tome : Opération : Saddlebag
» La chronique du premier tome de Queen & Country : Déclassifié.
Poster un avis sur cet album