Elles ne pensent qu’à ça et on ne pense qu’à les retrouver, à renouer avec ces personnages qui jamais ne cessent de se dissimuler, de se croiser, de se chercher ou de s’apprivoiser. Love & Rockets, c’est une incroyable saga romanesque, quelque part entre Cent ans de solitude et les telenovelas latinas ; une comédie ambitieuse qui se décline en famille et dont l’ampleur surprend encore. D’un côté, Palomar City, orchestré par Gilbert Hernandez, met en scène la vie d’un village en Amérique latine. De l’autre, Locas, signé Jaime Hernandez, prend place au cœur d’une banlieue comme tant d’autres dans le sud de la Californie.
Mais Locas, c’est avant tout Maggie et Hopey, deux amies aux rapports ambigus, deux écorchées que le lecteur accompagne au gré de leurs péripéties, de leur adolescence aux premiers pas dans la vie adulte. C’est aussi une narration complexe alternant les flash-back, les épisodes off, les rêveries super-héroïques, où s’insèrent aussi des strips à mi chemin entre les Peanuts et Dennis la malice. D’une histoire à l’autre, Jaime Hernandez s’amuse à ménager des pauses, à changer de registre, à jouer dans la construction des séquences avec les nerfs de son lecteur. Ce petit théâtre des émotions est servi par une écriture graphique qui s’appuie sur le cerne, sur l’épure. Jaime Hernandez dégage au trait noir la ligne la plus juste, approche au plus près des sentiments de ses personnages. Une ligne claire enserrée, dans les premières planches, de couleurs posées en aplats, auxquelles succède une élégante utilisation des noirs.
Le récit, dense et brillant, emprunte au surréalisme, au fantastique, à une certaine forme de non-sens aussi, pour mieux dégager l’expressivité et la sensualité des protagonistes. De fait, s’il est un sujet qui tourmente l’incroyable galerie de personnages, qui les anime et les enflamme, c’est l’amour évidemment. Mais il n’est pas le seul : d’autres fantômes hantent leurs nuits. La frivolité de façade, les bravades et l’humour quotidien cèdent sous le poids d’une détresse tangible, d’un mal-être que chacun tente de fuir, quitte à s’inventer des rêves et des chimères, quitte à se mentir ou à mentir à l’autre. Faire semblant en quelque sorte et enchaîner les rôles. Une tragédie banale mais rien n’est perdu. L’amitié indéfectible des héroïnes, leur force de résilience ainsi que la sensibilité du regard d’un démiurge décidément trop humain sont autant de raison d’espérer à leurs côtés. En un mot, Locas, c’est la vie !
» Dans la série Love & Rockets, lire aussi la chronique du deuxième tome de Locas et celle de La rivière empoisonnée.
Les aventures de Magie et Hopey ne m'ont pas du tout séduit bien au contraire. Certes, c'est la vie avec ses petits déboires entre les problèmes de poids ou de garçon. L'ambiance fait très punk.
Les récits sont souvent déjantés à défaut d'être érotiques. C'est prétentieux, illustratif et apathique pour résumer. Je n'ai rien ressenti, rien vécu. Ni ses désirs, ni ses plaisirs, ou ses absences de plaisir, rien , un grand vide !
Jusqu'où on peut aller dans le registre du ridicule. Heureusement que cela ne tue pas. Locas est un chef d'oeuvre du nihilisme où la monotonie frise la turpitude. Ennuyeux à mourir ou insupportable, il faudra choisir à moins d'avoir les deux.
Alors qu'elles ne pensent qu'à cela, je ne pensais qu'à une chose: en finir avec cette lecture navrante. Bref, passez votre chemin car il n'y a rien à voir.
On aime Maggie et Hopey (enfin, pour moi, surtout Hopey, jamais tout-à-fait sortie de l'explosion "post punk" qui balaya L.A. au début des années 80 - N'oubliez jamais X, les petits !) et on ne résistera pas au plaisir de les suivre dans une quarantaine de nouveaux récits, minutieux, complexes, déjantés, absurdes, romantiques, hilarants, érotiques, incompréhensibles, simplistes, contradictoires. Une nouvelle pierre apportée à l'impressionnant édifice "Love And Rockets", soit une manière révolutionnaire de faire de la BD, aussi puissamment formaliste et conceptuel que fondamentalement au ras du bitume, dans cette manière sublime d'accompagner ses personnages - pour la plupart féminins, magnifiquement féminins - tout au long du chaos labyrinthique de la vie : Maggie prend du poids, hésite entre hommes et femmes et ne vivra jamais sa passion pour Hopey, et autour d'elles gravitent dix, vingt, trente personnages complexes, dont on ne saisit que quelques fragments d'une existence qui est aussi ordinaire et incompréhensible que celle de nos voisins de palier. Magistral, une fois de plus !