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renez un couple dans la quarantaine, composé d’un père de famille, Takashi, travailleur modèle, appréciant son petit confort et souvent dépassé par ce qui se passe chez lui, et d’une mère des plus paresseuses, Matsuko, qui préfère manger les réserves en douce plutôt que de se creuser la tête à chercher quel repas préparer pour le dîner. Ajoutez-y un fils, Noburo, ni vraiment médiocre ni tout à fait moyen à l’école, aimant les jeux vidéos et les mangas, toujours partant pour s’amuser mais bien moins pour réviser. N’oubliez pas la cadette, Nonoko, une vraie polissonne pleine d’espièglerie. Enfin, couronnez le tout d’une aïeule qui n’a pas la langue dans sa poche, Shige, et vous obtenez la famille Yamada : un quintette détonante qui joue au quotidien sa partition sur tous les tons, où se glissent souvent quelques fausses notes !
Tout amateur averti de japanimation connaît la version filmée de Mes voisins les Yamada réalisée par Isao Takahata et le studio Ghibli. Désormais, les strips originaux de Hisaishi Ishii sont accessibles à tous grâce à leur publication en trois volumes dans la collection Shampooing de Delcourt. La série proposée correspond en fait aux parutions quotidiennes des tribulations de la famille japonaise la plus célèbre dans l’Asahi Shimbun entre 1992 et 1997, mais appartient à un ensemble plus vaste couvrant une quinzaine d’années.
Pendant nippon de l’argentine Mafalda et des Peanuts américains, Mes voisins les Yamada croque avec humour la société japonaise à travers les aventures et mésaventures d’une cellule familiale typique, sur le mode du yonkama, mini-bd en quatre cases verticales. L’auteur excelle dans le genre et passe de nombreux traits culturels en revue, soulignant certains travers, grossissant des habitudes, caricaturant à l’envi, sans aucune méchanceté.
Forcément, les péripéties mises en scène sont d’abord destinée aux lecteurs du Pays du Soleil Levant, et plusieurs gags s’inspirant de la vie politique ou des célébrités nationales font difficilement mouche auprès du public occidental. Toutefois de nombreux thèmes ou situations trouvent un écho dans notre vécu. Ainsi la sempiternelle quête du repas menée par Matsuko et ses fréquents recours aux mêmes plats incontournables rappellent-ils des dîners « jambon-purée » ou pizza surgelées des jours où l’inspiration culinaire s’est éclipsée. En outre, les personnages se révèlent rapidement attachants et sont rendus plus réalistes, par l’introduction, à l’occasion, d’autres protagonistes, appartenant quelquefois à la famille, qui leur permettent de ne pas rester confinés à l’huis-clos de leur maisonnette, en les resituant dans la société et dans leur quartier ou leur ville. Côté dessin, les décors congrus cèdent le pas devant l’expressivité des visages et des attitudes, rendue en quelques coups de crayon simples. Hisaichi Ishii ne s’embarrasse ni de précision ni de fioritures pour accentuer les mimiques, traçant cependant des portraits pleins de vie et amusants.
Doté d’un format qui permet de lire chaque gag à son rythme, ce premier tome de Mes voisins les Yamada offre un beau moment de détente grâce à l’humour omniprésent. Une excellente occasion de (re)découvrir l’œuvre qu’on connaisse ou non le dessin animé qui en a été tiré.
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