B
lanche, jeune femme daltonienne, se retrouve, à la sortie du couvent, mariée avec un quasi-inconnu pour le bien de sa famille. Arrivée dans sa nouvelle demeure, elle réalise très rapidement que sa vie ne va pas être facile. Isolée sur une île au large des côtes, elle va devoir apprendre à supporter les vues conservatrices des gens du lieu. Elle finit par trouver en Toumaï, un serviteur noir ramené d’îles lointaines, un confident aussi déraciné qu’elle.
Thierry Chavant (Méliane) a situé son histoire au XVIIIe siècle, à un moment où une partie de la société, grâce aux Lumières, commençait à élargir ses points de vue sur le monde. Malheureusement, Chavant ne développe que succinctement ce contexte historique. Le récit est plutôt conçu comme une variation du thème de Roméo et Juliette qui pourrait se dérouler à n’importe quelle époque. Malgré cela, ce récit de la découverte de l’autre est très bien construit. Les changements de narrateurs - Blanche et Toumaï – permettent d’approfondir les caractères de ces deux personnages d’une façon très intelligente. Peu à peu, ils prennent conscience de la similitude de leur situation respective. L’intrigue, relativement simple au demeurant, peut alors se développer pleinement.
Le trait très fin de Chavant contraste avec la violence – physique et psychologique - de certains passages. Cette finesse lui permet en revanche de très bien montrer les émotions. Il parvient presque à faire « jouer » ses héros comme des acteurs réels. Ce processus, s’il est efficace au niveau de la narration, rend le dessin un peu figé par moment ; certains protagonistes, comme à l’époque du cinéma muet, semblent prendre la « pose » pour bien souligner telle ou telle réaction. Heureusement, Chavant possède un sens élevé de la mise en scène et, jouant sur les point-de-vues, il rend son petit monde très vivant. Une mise en couleur réussie renforce agréablement l'atmosphère générale de cet album. Delf, le coloriste, réussit à souligner - sans insister - le daltonisme de l’héroïne.
L’île de solitude, premier titre de la série (sur trois prévus) se lit avec plaisir. L’intrigue concoctée par Chavant ne sort pas beaucoup des sentiers battus, mais une réalisation sérieuse et des personnages attachants sont suffisants pour faire attendre la suite avec une certaine impatience.
A peine sortie du Couvent, Blanche qui ne voit pas les couleurs est mariée à un vieux mari qui la délaisse et trouve refuge dans l'amour de son domestique noir qui partage sa solitude et son déracinement. Mais son entourage ne peut l'accepter.
Ce drame qui rapproche deux êtres que tout semble séparer est très bien raconté, on est émue et on comprend les sentiments des deux héros grâce à une narration fluide et sensible bien mise en valeur par un dessin simple et expressif.
Très bon, à suivre.